Cellatex, Bertrand-Faure, Adelshoffen : Quand les journalistes redécouvrent la lutte de classe25/08/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/08/une-1676.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Cellatex, Bertrand-Faure, Adelshoffen : Quand les journalistes redécouvrent la lutte de classe

Un certain nombre de grèves menées par les salariés d'entreprises en instance de fermeture ont éclaté cet été. Les travailleurs de Cellatex, à Givet, qui avaient menacé de faire sauter leur usine, ont fait des émules, notamment à Adelshoffen, Forgeval, Bertand-Faure.

Cela fait plus de vingt ans que des plans injustement nommés " sociaux " frappent les entreprises de ce pays ; c'est à travers ces fermetures, " dégraissages ", " restructurations ", que le patronat a abouti à laisser sur le carreau du chômage près de trois millions de travailleurs. Et cela fait plus vingt ans aussi que dans bien des cas, des travailleurs se sont battu, avec les moyens du bord, pour sauver leurs emplois.

La grande presse s'est toujours montrée fort peu intéressée par ces luttes. Cet été en revanche, les grèves ouvrières ont occupé une place non négligeable dans les colonnes de la presse bourgeoise. Il est assez savoureux de voir ce type de journaux, qui depuis des années ressassent que la classe ouvrière n'existerait plus et que la lutte des classes appartiendrait au passé, consacrer des pages entières aux " conflits de l'été ", comme dit Le Monde comme s'il parlait des festivals de l'été ou des films de l'été !

La presse va même jusqu'à se fendre d'interviews de sociologues ou de chercheurs pour comprendre le pourquoi et le comment de ces luttes. Les uns et les autres dissertent doctement sur le sujet, comme il sied à de doctes spécialistes - ne laissant apparaître au mieux que leur ignorance de l'histoire des mouvements sociaux, mais le plus souvent leur ignorance et leur dilettantisme. Ils font mine de croire (à moins qu'ils ne le découvrent, ce qui ne vaut guère mieux) que ces méthodes violentes de luttes seraient nouvelles - alors que des travailleurs jetés à la rue en ont usé de nombreuses fois, comme par exemple ce fut le cas à Longwy à la fin des années 1970. On apprend aussi dans Libération que jusqu'ici, les travailleurs considéraient leur outil de travail comme " sacré " - en oubliant que bien souvent les travailleurs attendent de voir tomber en panne, le plus longtemps possible, leur machine ou la chaîne à laquelle ils sont vissés, pour souffler un peu. En omettant de faire remarquer que cet outil de travail, ce sont les patrons qui en disposent et qui décident de fermer une entreprise, uniquement en fonction de critères de rentabilité, et jamais en fontion de son utilité sociale, ou des implications humaines créées par leurs choix.

Le Monde n'hésite pas à traiter les ouvriers de Cellatex de " forcenés " et craint, ô horreur, " le retour d'un certain anarcho-syndicalisme " ; quant au chercheur interrogé par Libération, il explique pour sa part que " l'idée d'être exclu est devenue insupportable " ; ce qui laisse à penser que jusqu'à cet été 2000, l'idée d'être exclu devait probablement être assez agréable.

Évidemment, pas un seul de ces " spécialistes " - qui sont surtout spécialisés dans l'enfoncement de portes ouvertes - n'est capable de comprendre que la lutte des classes n'a jamais disparu ; qu'elle est menée avec le dernier radicalisme par le patronat, depuis des années, sans que les organisations syndicales ne proposent, à l'échelle de l'ensemble du monde du travail, des perspectives à la hauteur du défi patronal.

Quand les patrons font des milliards de bénéfices et ferment des usines, condamnant parfois des régions entières à la ruine, Le Monde ne les traite pas de " forcenés ". Mais quand les travailleurs se défendent, en usant des moyens dont ils disposent, les spécialistes autoproclamés pissent leur copie.

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