Hausse de l'essence et du fioul : Coup de pompe pour les usagers, gros lot pour les pétroliers18/08/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/08/une-1675.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Editorial

Hausse de l'essence et du fioul : Coup de pompe pour les usagers, gros lot pour les pétroliers

Comme on pouvait s'y attendre, il n'y aura pas de trève estivale pour les automobilistes. Les prix des carburants ont poursuivi leur ascension. Et l'on nous annonce déjà que cela va continuer, que le prix de l'essence, mais aussi celui du fioul vont subir de nouvelles hausses. Cela va grever un peu plus le budget des plus démunis, alourdissant la facture, déjà lourde, des automobilistes mais aussi la facture de ceux, nombreux, qui utilisent le chauffage au fioul. Et par ricochet, le coût de nombre d'articles, notamment ceux transportés par la route.

Dans le même temps, on nous apprend que les trois sociétés pétrolières qui dominent le marché mondial, BP, Exxon et Shell, ont réalisé des bénéfices records. Ceux d'Exxon ont progressé de 116 % par rapport à la même période de 1999. Ceux de Shell plus modestement n'ont progressé, eux, que de 95 %. Quant à ceux de BP, ils ont triplé. En ce qui concerne la société française, TotalFina-Elf, elle ne publiera ses résultats qu'en septembre. Mais tous les augures prédisent qu'elle ne sera pas en reste et aura largement réussi à éponger les bavures (financières), conséquences du naufrage de l'Erika.

Ces comparaisons sont édifiantes, et choquantes. À tel point que Fabius, le ministre des Finances en titre, a cru nécessaire d'y aller de sa petite colère, montrant du doigt les compagnies pétrolières, les accusant d'abuser de leur situation et décidant même d'alerter officiellement le Conseil de la concurrence pour qu'il enquête sur les mécanismes de fixation du prix de l'essence. Il s'agirait de vérifier, a-t-il prétendu, qu'il n'existerait pas d'ententes déloyales entre ces groupes ni de pratiques illicites de leur part.

Cette décision n'a pas eu l'air d'émouvoir les représentants des groupes pétroliers, qui en ont connu d'autres, toutes aussi inopérantes. Ils ont répliqué aux propos de Fabius qu'ils ne faisaient que subir les lois du marché - dans ce cas il vaudrait mieux dire, en profiter. Cela n'est pas contestable. Ils se sont même offert le luxe de renvoyer la balle dans le camp du gouvernement, disant que si l'usager payait cher l'essence à la pompe, l'État y était pour beaucoup, puisque, comme chacun sait, une grande partie du prix des carburants à la pompe est constituée par les taxes. Responsabilité partagée, donc. Mais cela ne constitue pas une excuse, ni pour les uns, ni pour les autres.

Quoi qu'il en soit, les profits des sociétés pétrolières ont encore de beaux jours devant eux. Tout d'abord parce qu'il faudra attendre de longs mois avant que les investigations du Conseil de la concurrence aboutissent, si elles aboutissent. Et il est plus improbable encore qu'en ce cas elles soient suivies d'effet. De toutes façons même sanctionnées, ces compagnies disposent de quoi faire face.

Les affairistes de tout poil savent d'ailleurs qu'ils n'ont pas grand-chose à craindre du gouvernement, ni de ses " coups de gueule ", ni de ses commissions d'enquête qui n'ont d'autre fonction que d'amuser la galerie. Pourtant, rien n'empêcherait un gouvernement, qui en aurait la ferme volonté, d'imposer que les sociétés pétrolières ne puissent pas agir à leur guise. Rien ne l'empêcherait de les taxer lourdement (au lieu de taxer les consommateurs). Il n'y aurait pas besoin, pour agir de la sorte, de mettre en place une lourde machinerie administrative, purement décorative. Nul besoin d'enquêtes car les preuves formelles existent : les compagnies pétrolières rançonnent, au su et au vu de tous, à la fois les populations des pays producteurs et les consommateurs.

Mais elles ne sont pas les seules. Il en va des " abus " des sociétés pétrolières, comme des abus de tous les trusts, qui réalisent de fabuleux bénéfices. Cela ne les empêche pas de licencier, d'imposer une intensification des conditions de travail, de réduire les salaires. C'est-à-dire de gonfler leurs profits au détriment de la population laborieuse.

Alors cette colère simulée de Fabius à l'adresse des compagnies pétrolières prend place dans une comédie bien réglée, qui ne vise nullement à changer la donne.

Pour que cela change vraiment il faudrait que les travailleurs décident d'entrer en scène et prennent en charge collectivement la défense de leurs intérêts.

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