Espagne. les responsabilités des dirigeants successifs du pouvoir central18/08/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/08/une-1675.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Espagne. les responsabilités des dirigeants successifs du pouvoir central

La responsabilité de la situation dramatique dans laquelle se trouve dès aujourd'hui le Pays Basque n'est néanmoins pas à mettre en premier lieu au compte de l'ETA. Et il semble d'ailleurs que cette appréciation soit partagée dans divers secteurs de l'opinion de la population en Espagne.

En effet, même si la politique de l'ETA est largement dénoncée, l'heure n'est visiblement plus aux vastes manifestations unitaires qui, à diverses reprises et notamment, en 1997, au lendemain de l'enlèvement puis de l'assassinat de Miguel Angel Blanco (un conseiller municipal du PP), réunissaient dans la rue des centaines de milliers de personnes défilant derrière les leaders de tous les grands partis, ceux de droite comme ceux de gauche. Il y a certes encore des manifestations unitaires mais elles ne réunissent que quelques milliers voire quelques dizaines de milliers (mais rarement plus) de personnes. C'est que depuis lors, bien des espagnols ont perdu confiance dans la capacité des partis traditionnels à trouver une solution au problème basque.

Les révélations concernant l'affaire des GAL, ces groupes paramilitaires illégaux mais liés au ministère de l'Intérieur et chargés par les dirigeants de l'État espagnol de traquer les dirigeants et les militants séparatistes, ont jeté un discrédit sur le PSOE au pouvoir de 1982 à 1996. Un discrédit d'autant plus important que les responsables du PSOE, et en premier lieu Felipe Gonzalez ont nié pendant des années, des faits pourtant avérés depuis longtemps. Les fréquentes déclarations va-t-en guerre des dirigeants de la gauche au pouvoir de 1982 à 1996 puis celle des dirigeants de la droite actuellement au pouvoir affirmant que grâce à la politique ferme et musclée du gouvernement l'ETA n'avait plus la force d'agir est démentie par les faits récents. Et l'absence de toute négociation sérieuse pendant les treize mois de trêve apparaît aux yeux d'une fraction de l'opinion comme une occasion manquée de la part du pouvoir dont l'intransigeance a entraîné une nouvelle escalade de la violence.

Aujourd'hui la politique du parti d'Aznar, le PP, clairement exprimées par les dirigeants de ce parti conservateur est délibérément provocante.

D'une part, en effet, Aznar multiplie les menaces concernant l'organisation à court terme d'une expédition punitive impitoyable contre l'ETA, ce qui semble avoir pour effet de resserrer les liens entre l'ETA et sa base, en particulier les jeunes les plus radicaux. Et d'autre part le PP a affirmé à plusieurs reprises sa volonté de mettre la main sur le gouvernement autonome du Pays Basque, en précisant qu'il n'envisage rien moins que de mettre l'actuel ministre de l'Intérieur de l'État espagnol, Jaime Mayor Oreja (un symbole de la politique répressive du gouvernement central), au poste de chef de ce gouvernement basque. Vis-à-vis de l'ETA, il s'agit là d'une attitude qui ne peut qu'attiser l'hostilité des nationalistes et en particulier des séparatistes vis à vis du gouvernement de Madrid. Enfin Aznar ne cache pas que pour parvenir à ses fins le PP devra déboulonner le parti nationaliste modéré, le PNV, au pouvoir au Pays Basque depuis vingt ans et qui dirige le gouvernement basque grâce à une alliance complexe (aujourd'hui " gelée " mais non rompue) avec les séparatistes. Pour parvenir à ses fins, Aznar, partisan d'élections anticipées, exige des dirigeants du PNV qu'ils rompent toute relation avec les séparatistes qui ne veulent pour leur part pas se mettre en porte à faux vis-à-vis d'une base électorale qui souvent oscille entre le PNV et l'ETA. C'est pour tout cela que jusqu'à présent le PNV, bien qu'il ait été victime de plusieurs attentats de la part de l'ETA, a répété à plusieurs reprises qu'il refusait de provoquer une telle rupture avec l'ETA.

Par ailleurs, le PP essaie d'entraîner le PSOE dans son sillage, entre autres dans le but de composer une coalition des partis nationaux qui auraient plus de chance de constituer une majorité que le seul PP, mais aussi pour ne pas prendre le risque de voir le PSOE se rapprocher des nationalistes modérés. Or sur ce terrain aussi, le PP rencontre des résistances. Car si le PSOE cautionne la politique du gouvernement au Pays Basque, il se dit favorable à une politique souple vis-à-vis du PNV, acceptant notamment que des discussions s'ouvrent sans que le PNV ait rompu tous ses liens avec les séparatistes.

Les manoeuvres politiciennes sont multiples, et pour la plupart secrètes mais il est clair que du côté du PP, comme du côté du PSOE il n'y a aucune volonté d'ouverture permettant de s'orienter vers un règlement politique du problème basque.

En ce sens les partis dits " nationaux " comme le PP ou le PSOE, sont fidèles à la politique qu'ils ont menée depuis la fin du franquisme. Car si une autonomie assez large a été donnée au gouvernement autonome basque, dans le domaine de la police, de l'enseignement, des impôts, de l'administration, aucun dirigeant politique du gouvernement espagnol n'a accepté d'envisager sérieusement de régler le problème basque en acceptant de considérer les dirigeants de l'ETA comme des interlocuteurs avant qu'ils aient déposé les armes. Et même quand l'ETA a décrété une trêve, il y a trois ans, aucune discussion n'a été entamée. Ni le PSOE, ni le PP qui se sont succédé au pouvoir depuis 18 ans n'ont accepté de discuter de la possibilité d'une consultation de la population du Pays Basque sur le statut du Pays Basque et de la Navarre. Aucun d'eux n'a accepté de satisfaire la revendication très populaire au Pays Basque du rapprochement des prisonniers basques. Et il est certain que cette intransigeance a contribué et contribue à justifier la violence et le radicalisme de l'ETA auprès de tous ceux qui sont hostiles au pouvoir de Madrid et qui pensent que la seule façon de faire reculer ce pouvoir central est de créer un rapport de force en semant si besoin est la terreur et la violence aveugle.

La situation au Pays Basque aujourd'hui est dramatique pour la population de cette région. Mais elle contribue aussi à tirer d'une certaine façon toute la société espagnole en arrière. Elle isole les travailleurs qui vivent au Pays Basque, elle développe les préjugés nationalistes, elle relègue au second plan de nombreux autres problèmes qui concernent l'ensemble de la classe ouvrière d'Espagne, celui du chômage, de la précarité, des reculs imposés à la classe ouvrière par un patronat offensif contre lequel la classe ouvrière du Pays Basque, de Castille, d'Andalousie ou de Catalogne a besoin de toute sa force et de son unité.

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