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Dans le monde
Chili : Pinochet jugé au Chili ?
La Cour suprême du Chili vient de décider, après bien des hésitations, de lever l'immunité parlementaire de Pinochet. Une immunité que le dictateur s'était octroyée, en se faisant nommer sénateur à vie, ce qui devait le protéger de toute poursuite judiciaire.
Mais ce bourreau du peuple chilien, cet assassin de militants et de travailleurs sera-t-il pour autant jugé, et condamné ? Rien n'est moins sûr. Car ses défenseurs se sont déjà lancés dans une bataille de procédure qui promet d'être longue, comme nous laisse l'imaginer celle, interminable, que l'on a connue, ici, en France, à l'occasion de l'affaire Papon. Mais au-delà même de cet aspect formel, d'autres signes laissent prévoir que l'affaire peut fort bien ne jamais aboutir. En admettant que la justice chilienne ait l'audace, ou même la simple honnêteté d'aller au bout de son choix initial.
Car, quelques instants à peine après que la Cour suprême eut rendu publique sa décision, les chefs des différents corps d'armée chiliens se sont démonstrativement rendus au domicile de l'ex-dictateur pour l'assurer de leur fidélité, protestant contre l'injustice qui serait faite à Pinochet. Ce qui ne manque pas d'une amère saveur, concernant un homme qui ne se souciait guère de formalisme judiciaire pour ordonner ou laisser commettre les exécutions, et pas seulement les quelques centaines dont font état les actes d'accusation, une infime partie de celles dont lui et ses sbires se sont rendus coupables.
Une fraction de l'opinion se réjouit de la décision de la Cour suprême. En particulier ceux qui ont subi, directement ou indirectement, les méfaits de la dictature. Pour eux, cela représente une revanche, même si elle n'est que symbolique. Mais de là à en conclure que ce serait, enfin, le triomphe du droit face à l'arbitraire des dictateurs ou que, comme certains n'hésitent pas à l'écrire, que les dictateurs n'auraient désormais qu'à bien se tenir, c'est pour le moins abusif.
Dans ce concert de propos lénifiants, la palme revient aux représentants des grandes puissances - la France, la Grande-Bretagne, et surtout les États-Unis. Aurait-on oublié que si Allende, qui pourtant ne menaçait en rien l'ordre impérialiste, ni même l'ordre social et économique au Chili, est tombé sous les coups de la soldatesque de Pinochet, c'est avec la complicité active, voire à la suite des directives des dirigeants des États-Unis ? Car ces gens-là ne répugnent pas à user de ces hommes de mains que sont les dictateurs lorsqu'il s'agit de garantir les intérêts des grandes sociétés contre la population pauvre. Pinochet en est un exemple, mais ce n'est pas le seul, ni le premier, ni malheureusement le dernier.
Mettre hors d'état de nuire les dictateurs - et pas seulement après coup, après qu'ils ont commis leurs forfaits - ne relève ni des tribunaux ni des grandes puissances, mais de la capacité de la population à s'organiser pour imposer ses droits et faire respecter ses intérêts.