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- Lutte ouvrière n°1674
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Leur société
Quand les patrons se plaignent de manquer de main-d'oeuvre
Alors qu'il y a toujours près de trois millions de chômeurs, les entreprises se plaignent d'avoir des difficultés à recruter. Le secteur le plus touché serait le Bâtiment, où 84 % des entreprises auraient des difficultés d'embauche. Mais dans d'autres secteurs aussi, les employeurs se lamentent de manquer de candidats à des postes d'informaticiens, mais aussi de secrétaires, de caristes, de personnels de santé, de chauffeurs routiers, etc., ainsi que pour des emplois non qualifiés comme manutentionnaires ou magasiniers. Il en est de même pour les emplois saisonniers, qu'il s'agisse du personnel hôtelier ou de travailleurs agricoles.
Alors, bien sûr, les patrons donnent leur explication à cette situation. Pour les secteurs de l'informatique, par exemple, ce serait parce que les employeurs auraient tous besoin en même temps d'employés ayant le même " profil " ; ou alors, les jeunes refuseraient de travailler dans des secteurs qui, comme le textile, ont licencié massivement leurs aînés ; ou bien ce serait lié à la concentration géographique de certaines industries, comme l'automobile... Enfin, en ce qui concerne les travailleurs agricoles, ce serait dû à une élévation du niveau de vie dans les pays d'où étaient originaires la plupart d'entre eux !
Les patrons, bien sûr, ne se posent aucune question sur les conditions qu'ils proposent. Pourtant, par exemple, si les emplois saisonniers ont du mal à être pourvus, c'est bien avant tout parce qu'il s'agit de travaux pénibles, sous-payés, obligeant ceux qui les accomplissent à partir de chez eux pour toute une période, en ne trouvant sur place que des conditions de logements indignes. Un saisonnier raconte que, dans les stations de ski, " certains employeurs louent non pas des chambres mais des lits où les travailleurs dorment à tour de rôle, de façon à ce qu'ils soient occupés 24 heures sur 24 ". Et l'été, c'est le baraquement ou le camping...
Et pour les autres emplois, qu'offre-t-on aux chômeurs ? La précarité, qu'il s'agisse d'intérim ou de CDD, des salaires déjà insuffisants quand on travaille à temps plein - mais bien souvent le travail à temps partiel imposé est tout ce qu'on leur propose - la flexibilité qui se généralise, les conditions qui se dégradent.
Alors, les patrons peuvent se plaindre qu'ils ne trouvent pas de personnel et regretter, comme le faisait Jean-Claude Trichet, le gouverneur de la Banque de France, que cela " freine une croissance qui pourrait être encore plus brillante " ! Tant que cette " croissance " ne profitera qu'aux possédants et non pas à ceux qui la créent par leur travail, il n'y aura pas de quoi être surpris.