Elf protégé par le "secret-défense" : Circulez, y'a rien a voir ! et pourtant...11/08/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/08/une-1674.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Elf protégé par le "secret-défense" : Circulez, y'a rien a voir ! et pourtant...

Le feuilleton des affaires Elf a connu une nouvelle péripétie, qui ne sera sans doute pas la dernière. Le juge Van Ruymbeke, chargé d'instruire cette affaire, et qui dans ce cadre voulait consulter des dossiers auprès de l'administration des douanes concernant les transactions -le mot noble pour qualifier les magouilles- réalisées par le groupe Elf-Aquitaine dans le cadre du rachat d'une compagnie espagnole, puis d'une compagnie de l'ex-Allemagne de l'Est, s'est heurté à une fin de non-recevoir. En effet ces dossiers sont classés "secret-défense", donc totalement inaccessibles à quiconque, même à un juge d'instruction. Pour y avoir accès il faut obtenir une dérogation soit du ministre de tutelle, en l'occurrence l'actuel ministre des finances, Fabius, de qui dépend l'administration des douanes, soit du premier ministre, après avis d'une commission consultative, désignée par ce même premier ministre. Comme on peut constater, on sait verrouiller les secrets.

Notre juge s'est étonné de ce blocage, et cela se comprend, d'autant que cette affaire, concernant des contrats civils, n'a absolument rien à voir avec la Défense nationale. Ses investigations portent sur des versements occultes effectués par le groupe Elf en 1991 et en 1992 à des intermédiaires privés qui porteraient sur des sommes fort coquettes, puisque la première transaction aurait permis à son bénéficiaire de toucher une commission de 400 millions de francs; la deuxième n'aurait rapporté que 330 millions aux intercesseurs, qui cette fois étaient deux. Mais il est probable que ces sommes ont ensuite été redistribuées à d'autres bénéficiaires. A voir les " affaires " qui défraient la chronique, entre autres l'affaire des " frégates " qui, soit dit en passant, implique elle aussi les ex-dirigeants de Elf, de telles péripéties sont monnaie courante, c'est le cas de le dire.

Si l'invocation du " secret-défense ", c'est-à-dire d'une procédure qui fait que ce sont des ministres qui détiennent seuls la clef du mystère, n'est pas courante, par contre la pratique du secret dans les affaires, elle, l'est. Il est d'usage en effet que les affaires se traitent de la sorte. Avec des intermédiaires qui gardent l'argent des commissions, mais aussi avec de généreuses distributions de pots-de-vin. Si les faits et les personnes restent dans l'ombre, la technique est connue. A tel point que ceux qui malencontreusement se voient pris la main dans le sac, parce qu'ils ont franchi la frontière mal définie entre ce qui est légal et illégal, s'étonnent des reproches et des procès qu'on leur fait.

Les affaires étant les affaires, le fonctionnement du capitalisme suppose corruption et magouilles. Ce serait donc la moindre des choses que la population puisse voir ce qui se passe dans les coulisses du monde des affaires, et qu'il n'y ait plus ces domaines réservés, ni de secrets-défense, ni de secrets tout court.

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