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- Lutte ouvrière n°1671
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USA : Pour les géants du tabac - une amende " record ", des bénéfices aussi !
Un jury de la ville de Miami, aux Etats-Unis, a condamné les cinq grands fabricants de cigarettes américains, dont le leader mondial Philip Morris, à une amende qui, mais on en est encore loin, devrait être redistribuée aux 500 000 fumeurs de Floride victimes de maladies liées au tabac et qui ont porté plainte.
L'importance de cette amende (145 milliards de dollars, c'est-à-dire 1 010 milliards de francs) a incité nombre de commentateurs a présenté les multimilliardaires du tabac comme victimes d'un jugement injuste, reprenant les déclarations des avocats ou des dirigeants de ces grands groupes. Le directeur général de RJ Reynolds, seconde compagnie sur le marché américain, qui a réalisé en 1999 son profit record de plus de 2,3 milliards de dollars, a parlé de " montant irréaliste " de l'amende.
Et pourtant, tout comme les autres grands groupes mondiaux fabricants de cigarettes, ces cinq compagnies ont amassé pendant des décennies, en profitant de l'accoutumance des fumeurs au tabac, des profits gigantesques. Malgré la baisse de la consommation aux Etats-Unis (baisse de 42 % en 20 ans), les hausses continuelles du prix des cigarettes ont permis à ces entreprises non seulement de maintenir mais d'augmenter leurs bénéfices. D'ailleurs, il y a un peu plus d'un an, ces grands groupes avaient accepté de conclure un accord avec les pouvoirs publics américains, dans lequel ils étaient prêts à verser pour 246 milliards de dollars (1713 milliards de francs) d'amendes sur 25 ans aux différents Etats contre la promesse de ne plus être poursuivis en justice par ces mêmes Etats. Cette somme, déjà importante, était d'autant plus indolore pour ces grands groupes que les véritables payeurs devaient être les consommateurs eux-mêmes : les compagnies ayant ouvertement prévu de répercuter le coût des amendes sur le prix des cigarettes.
Le fait qu'un tel accord ait pu être établi à l'amiable montre que ces compagnies sont capables de débourser des milliards pour pouvoir continuer tranquillement un commerce lucratif : d'autant plus que si la lutte contre le tabac existe dans les pays riches, c'est infiniment moins le cas pour les pays pauvres où les perspectives de profits seraient, paraît-il, très importantes.
Quant à cette amende record imposée par le jury de Miami, il y a largement de quoi être sceptique quant à son paiement. A peine le jugement énoncé, l'armada d'avocats que ces compagnies entretiennent ont déclaré que leurs clients faisaient appel, ce qui peut relancer la procédure judiciaire pour longtemps. Et si malgré tout le verdict était maintenu, l'étude de chaque cas à indemniser devrait prendre, nous dit-on, plusieurs dizaines d'années !
D'ailleurs, la Bourse ne s'y est pas trompée : le cours des actions de ces entreprises a à peine frémi à l'annonce du montant de l'amende.
En réalité, cette affaire ne fait que mettre en évidence la richesse considérable de ces grands groupes ; richesse qu'ils ont accumulée et qu'ils continuent d'accumuler en profitant de la dépendance au tabac, même si, face à la baisse de la consommation, ils ont aussi cherché à placer leurs capitaux ailleurs. Ainsi, par exemple, le groupe Philip Morris réalise désormais moins de la moitié de son chiffre d'affaires par la vente de cigarettes.
Il serait essentiel de lutter contre ce fléau qu'est le tabac, mais face à ce problème comme face à bien d'autres, les pouvoirs publics, aux Etats-Unis comme partout ailleurs, se refusent à prendre toutes les mesures nécessaires. Car, fondamentalement, ils refusent de s'attaquer aux profits des capitalistes, et cela, même dans un domaine aussi vital que celui de la santé publique.