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- Lutte ouvrière n°1671
- Il y a 60 ans : Juillet 1940 - la troisième République cédait volontairement la place à Pétain
Leur société
Il y a 60 ans : Juillet 1940 - la troisième République cédait volontairement la place à Pétain
Le 10 juillet 1940, les députés et les sénateurs rassemblés à Vichy votaient les pleins pouvoirs à Pétain. Nombre de parlementaires socialistes et radicaux, élus quatre ans plus tôt sur le programme du " Front populaire " donnèrent, comme les autres, leur caution à ce régime réactionnaire : 84 députés socialistes sur 156 et 63 radicaux sur 113. Les députés communistes n'étaient pas présents puisque leur parti avait été mis hors la loi quelques mois plus tôt. Tel était l'aboutissement, sans gloire, mais logique d'une évolution qui avait débuté en 1936 par l'élection d'une assemblée où les députés des partis communiste, socialiste et radical, coalisés dans le Front populaire, constituaient la majorité. C'est cette même assemblée qui intronisait le maréchal Pétain.
Du Front populaire à la déclaration de guerre
Dès le départ, à peine élus, les dirigeants communistes et socialistes rendaient un fier service à la bourgeoisie en contenant, puis en arrêtant, la vague de grèves de juin 36. Mais sitôt revenus de leur frayeur, la bourgeoisie et son appareil d'Etat ne tardèrent pas à reprendre l'initiative et à engager la contre-offensive. Et année après année, nombres d'élus du Front populaire s'alignèrent ouvertement sur une politique toujours plus à droite.
Dès 1937 Léon Blum, encore chef du gouvernement, laissa sa police massacrer impunément des manifestants ouvriers à Clichy. Il s'agissait pourtant d'une protestation appelée par les partis de gauche contre un meeting d'extrême droite. Il y eut cinq morts et 200 blessés. L'année suivante, Léon Blum passa la main à des gouvernements dirigés par des membres du Parti Radical, Chautemps d'abord puis Daladier. Ce dernier, le 13 novembre 1938, fit adopter une série de décrets mettant en pièce, au nom de la " défense nationale ", tout ce qui pouvait rester des conquêtes de Juin 36. Les heures supplémentaires, non majorées, devinrent obligatoires. Le travail aux pièces fut rétabli, ainsi que la semaine de travail de six jours. La classe ouvrière réagit par la grève mais elle fut vaincue. Plus de 800 000 salariés furent alors mis à pied dans le secteur privé et 10 000 furent licenciés, et figuraient sur la liste rouge, connue de l'ensemble des patrons, ce qui leur interdit, durant les années qui suivirent, de retrouver de l'embauche.
La signature du pacte germano-soviétique le 23 août 1939 et l'entrée en guerre contre l'Allemagne quelques jours plus tard furent l'occasion d'un nouveau tour de vis à droite. Dans le courant du mois de septembre 1939, le Parti Communiste était interdit et des milliers de ses militants arrêtés ou assignés à résidence, les fonctionnaires communistes radiés et les syndicats qu'ils influençaient dissous. Les parlementaires du PC avaient pourtant voté, avec leurs collègues, les crédits de guerre. En fait, en agissant de la sorte, c'était la fraction la plus combative de la classe ouvrière qui était visée. Le radical Daladier était toujours président du Conseil, mais les socialistes prirent ouvertement leur part à cette répression anticommuniste. Léon Blum déclarait à la Chambre : " Si les communistes sont personnellement convaincus de trahison, qu'on les fusille et qu'on les poursuive comme des traîtres ".
Tout cela fut mis en oeuvre en trois ans par les gouvernements issus du " Front populaire " ! S'aplatissant à chaque étape un peu plus devant les volontés de la bourgeoisie, c'est eux qui, bien avant Pétain, brisèrent la résistance de la classe ouvrière, favorisant par la même occasion le renforcement des éléments les plus réactionnaires de la société.
De la défaite à la transmission du pouvoir à Pétain
Lorsque l'armée allemande, neuf mois après le début de la guerre, passa à l'offensive, les troupes françaises furent balayées en quelques semaines. Une partie de plus en plus importante du territoire se trouva rapidement occupée, les populations s'enfuirent sur les routes de l'exode, et le gouvernement tenta de se regrouper de plus en plus loin vers le Sud, pour finalement aboutir à Bordeaux. La quasi-totalité de la bourgeoisie française et son personnel politique se rallièrent à l'idée de signer l'armistice avec l'Allemagne. C'est pour mettre en oeuvre cette solution que Paul Reynaud, qui avait succédé à Daladier, laissa sa place au maréchal Pétain, par voie on ne peut plus légale.
L'armistice signé comportait de nombreuses clauses militaires et territoriales, notamment la division du territoire français en deux zones. Par contre, il était totalement muet sur le type de régime qui devait diriger la France. Le passage de la IIIe République à la dictature de Pétain fut le choix du personnel politique de cette même IIIe République, et nullement des occupants allemands. Ce furent des hommes politiques issus du sérail de cette République qui, dans l'entourage de Pétain, initièrent cette solution, au premier rang desquels figurait Pierre Laval, qui avait été onze fois ministre et quatre fois président du Conseil avant 36.
Ils allaient au devant du désir de la bourgeoisie d'avoir un Etat fort, la préservant des troubles qui auraient pu résulter de la défaite. Ils reprenaient à leur compte, sans la moindre réticence, tout ce que la société pouvait charrier en matière d'idées réactionnaires. Les parlementaires furent convoqués à Vichy, Bordeaux ayant dû être abandonné. La caution des députés et des sénateurs traduisait le fait que la dictature qui se mettait en place était bien dans la continuité de l'Etat français. La caution parlementaire ne fut pas refusée à Pétain. Députés et sénateurs, droite et gauche mêlées, lui votèrent les pleins pouvoirs, qu'il ne tarda pas à mettre à profit pour mettre en place un régime réactionnaire ouvertement antiouvrier.
Ainsi, quelques années suffirent pour que le Front populaire qui avait successivement endormi et réprimé les travailleurs aboutisse, dans le cadre d'une même assemblée, composée des mêmes représentants, à l'exclusion de ceux du PC, déclarés hors la loi, et à la mise en place d'un régime d'extrême droite antiouvrier.