Le chômage baisse... un peu, les profits patronaux augmentent beaucoup07/07/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/07/une-1669.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Editorial

Le chômage baisse... un peu, les profits patronaux augmentent beaucoup

Le gouvernement publie communiqués de victoire sur communiqués de victoire pour se féliciter de la baisse du chômage. Par-delà les manipulations statistiques, qui ont toujours existé, il est fort possible que le nombre d'emplois créés dépasse aujourd'hui ceux que l'on supprime. Car on en supprime. Et par charrettes entières, dans les plus grandes entreprises de ce pays. Les plus riches, celles qui accumulent des profits comme jamais. Sauf que ceux qui proclament cette prétendue embellie masquent volontairement les zones sombres. Car s'il y a sans doute un peu moins de chômeurs, si le chiffre officiel est passé au-dessous de la barre des 3 millions, comment peut-on oublier qu'il en reste encore deux millions cinq cent mille officiellement recensés ? Ce qui n'est pas rien.

Ce que les propagandistes gouvernementaux nous disent moins, c'est que, dans le même temps la pauvreté dans ce pays - ne parlons même pas du reste de la planète - n'a cessé de grandir. On compte aujourd'hui plus de six millions de femmes et d'hommes qui doivent vivre, en France, avec moins de 3 500 F mensuels. C'est qu'avoir un emploi ne signifie pas en finir avec la pauvreté. C'est que les emplois que l'on trouve sont, dans leur grande majorité, des emplois précaires, à temps partiel, qui ne permettent même pas, le plus souvent, de gagner le SMIC et même parfois de dépasser le niveau des minima sociaux.

Ce n'est pas qu'il n'y ait pas d'embellie. Mais elle ne concerne que le patronat, et en premier lieu les entreprises les plus grandes. Les Michelin, les Alstom, les TotalFinaElf, et quelques autres du même acabit. Ce sont elles qui font valser les milliards pour se racheter les unes les autres, dans une furie de fusions qui alimente la spéculation boursière. Oui, de ce côté-là, ça va. Cela va même comme cela a rarement été !

Mais ce contraste entre cette minorité de capitalistes spéculateurs qui s'enrichit, la majorité de la population qui a de plus en plus de mal à joindre les deux bouts, n'a pas de mystère. Car c'est justement en pesant sur le niveau de vie de la population laborieuse que le patronat peut réaliser ses profits vertigineux.

Et plus il amasse, plus il en redemande.

C'est ainsi que, tout récemment, le MEDEF a proposé de démanteler les maigres protections dont bénéficient encore aujourd'hui les chômeurs officiels. C'est ainsi que, dans la même foulée, il propose de codifier - en fait il s'agit d'une dérégulation de plus - la précarité, en réclamant le droit d'user de contrats provisoires, d'une durée pouvant aller de 18 mois à 5 ans. Et sans gêne, il lance un ultimatum au gouvernement, en lui disant que c'est à prendre ou à laisser. Un gouvernement qui se tient coi, qui ne fait rien, qui ne dit rien, dans la crainte d'irriter ces patrons...

Mais pourquoi le patronat se gênerait-il, puisque le gouvernement non seulement lui laisse entièrement les mains libres, mais l'encourage, au contraire ? C'est ainsi, mais ça n'est qu'un exemple, qu'il lui a accordé, dans le cadre de cette prétendue loi sur les 35 heures, la possibilité d'introduire plus encore la flexibilité dans l'organisation des horaires de travail, la possibilité aussi de mettre en place l'annualisation qui permet aux patrons d'imposer le travail à la carte, les samedis et même les dimanches compris, sans même avoir à payer d'heures supplémentaires. Et le comble, c'est qu'en prime les patrons vont bénéficier de subventions nouvelles pour mettre en place des mesures qui les avantagent copieusement. Alors, pourquoi les patrons ne se sentiraient-ils pas tout permis ?

Mais il y a une chose qu'ils auraient tort d'oublier. C'est que leur opulence actuelle, ils la doivent au travail de millions de femmes et d'hommes, certains encore exploités dans les usines, les bureaux, les services, d'autres rejetés par eux au chômage après l'avoir été. Et ces millions-là constituent une force qui, collectivement, dispose des moyens de mettre le holà à cette illusoire toute-puissance patronale.

Des luttes ont lieu, à partir de motifs variés. Ici contre des suppressions d'emplois, là pour agir contre la mise en place des prétendues 35 heures, ailleurs pour exiger des augmentations de salaires.

Eh bien, il faut tout faire pour que ces luttes convergent en une lutte d'ensemble du monde du travail.

C'est à cela que nous oeuvrons. Et nous ne sommes pas les seuls à avoir conscience de cette nécessité-là, et à agir pour que le rapport de force s'inverse.

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