Rhodia (Saint-Fons Rhône) : C'est bon pour le moral30/06/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/06/une-1668.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Rhodia (Saint-Fons Rhône) : C'est bon pour le moral

Mercredi 21 juin, alors que les ouvriers de Rhodia Belle-Etoile à Saint-Fons, près de Lyon, reprenaient le travail après six jours de grève et obtenaient le paiement de la prime de 6 500 F revendiquée (voir LO nº 1667), c'était au tour de l'usine Rhodia Saint-Fons Chimie d'entrer en lutte contre le licenciement d'une de leurs collègues.

Il faut dire que le mécontentement s'était déjà exprimé à plusieurs reprises ces dernières semaines. En effet, dans tous les ateliers, les conditions de travail se sont aggravées car la direction a progressivement supprimé des postes dans les ateliers, ce qui a pour conséquence non seulement d'alourdir notre charge de travail, mais aussi de remettre en cause notre sécurité. Des pétitions et des débrayages avaient donc été organisés dans différents ateliers pour réclamer essentiellement du personnel supplémentaire, mais les préoccupations des travailleurs portaient aussi sur la revalorisation des salaires. Cependant, jusqu'à présent, ces mouvements se déroulaient secteur par secteur.

Finalement, c'est l'attitude de la direction qui a réussi à nous mettre tous d'accord. En annonçant le licenciement, soi-disant pour " raisons économiques ", d'une employée travaillant dans les bureaux, elle a suscité l'indignation de tous, car il était évident pour tout le monde que Rhodia réalise suffisamment de bénéfices pour pouvoir maintenir les emplois actuels. D'autant plus qu'elle avait déclaré fièrement dans la presse, un mois auparavant, qu'elle avait doublé les dividendes versés aux actionnaires !

Aussi, le mercredi 21 juin, le débrayage organisé par les syndicats fut un véritable succès et nous organisâmes sur le champ une délégation de plus de 100 personnes pour aller signifier à la direction notre indignation et notre refus de tout licenciement, conscients que l'accepter aujourd'hui, c'était laisser la porte ouverte à d'autres licenciements dans l'avenir. Devant l'obstination de la direction, nous décidâmes alors de poursuivre la grève et de bloquer les portes d'entrée. Très vite, les ateliers s'arrêtèrent et plus aucune production ne sortait. Du coup, au portail, qui était devenu le rendez-vous des grévistes, le moral était au beau fixe. Pour les plus jeunes d'entre nous, il s'agissait de la première véritable grève et nous étions fiers d'avoir réussi à bloquer toute l'usine. Les discussions allaient bon train, entre nous, mais aussi avec les ouvriers des entreprises extérieures, bloqués devant l'usine, qui affichaient volontiers leur solidarité. L'après-midi, les équipes prenant la relève rejoignirent spontanément la grève.

La direction fit bien une tentative pour nous intimider en convoquant un huissier dès l'après-midi, mais cela ne réussit qu'à faire monter la colère d'un cran. Et le lendemain, quand sept ouvriers reçurent leur lettre d'assignation, nous étions bien déterminés à les accompagner nombreux au tribunal.

Finalement, le vendredi après-midi, la direction, consciente certainement que nous ne céderions pas, renonçait au licenciement, abandonnait toute poursuite judiciaire et payait un jour de grève.

Par deux fois en quelques jours, la direction de Rhodia a dû céder devant les travailleurs en lutte. Depuis des mois elle se croyait sûre d'elle et affichait une arrogance dont nous n'avions pas l'habitude. Elle pensait que pour doubler une nouvelle fois ses bénéfices, elle pourrait faire passer toutes ses mesures de suppression de postes sans trop de réaction. Elle croyait avoir les mains libres et avoir à faire à des travailleurs plus dociles. Par deux fois, elle s'est lourdement trompée.

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