Monaco, capitale européenne et...française du blanchiment d'argent30/06/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/06/une-1668.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Monaco, capitale européenne et...française du blanchiment d'argent

Le Groupe d'action financière (le GAFI) dépendant de l'OCDE a récemment fait un recensement des paradis fiscaux et autres territoires où détenteurs de capitaux et mafieux de toutes sortes peuvent échapper au fisc et blanchir leur " argent sale ".

En tête du palmarès viennent les Bahamas, le Lichtenstein, les Iles Cook, Israël, le Liban. Mais le rapport s'est fait plus prudent pour les territoires directement liés à des puissances européennes comme les îles de Jersey ou Guernesey, Gibraltar ou Monaco.

Pourtant un rapport parlementaire préparé dans le cadre d'une mission de l'Assemblée nationale met en évidence les responsabilités de la Principauté de Monaco dans le blanchiment de l'" argent sale " et insiste sur l'attitude des autorités françaises qui se montrent d'une totale bienveillance à l'égard de ces pratiques.

Ce rapport ne fait en réalité aucune révélation. Il est en effet de notoriété publique que la richesse de la Principauté est due à la présence de richissimes résidents attirés par la quasi-absence de fiscalité et à l'anonymat des comptes. Déjà en 1993 un rapport parlementaire consacré à la Mafia mettait en cause les complicités de Monaco dans le traitement de l'argent sale.

Cela dit, le rapport aura au moins l'intérêt de rappeler quelques pratiques pour le moins délictueuses. Ainsi le document souligne que Monaco est devenu (avec les îles de Guernesey et de Jersey) un " centre offshore favorable au blanchiment ". Le rapport insiste sur le fait que la principauté " a choisi une législation fiscale, une législation commerciale et un mode de coopération judiciaire qui ne satisfont pas aux normes internationales et européennes. "

En fait la fiscalité privilégiée existant à Monaco attire de nombreux capitaux, et ce d'autant plus fortement que l'anonymat des transactions est garanti. Ainsi il n'existe aucun fichier centralisé des comptes bancaires permettant par exemple à la justice de connaître en quelques heures la nature et les détenteurs de ces mêmes comptes bancaires. Par ailleurs de nombreuses sociétés, souligne le rapport, " servent de prête-nom aux opérations douteuses de certains établissements de crédits ". Quelle aubaine pour les trafiquants et les mafieux, mais aussi pour des capitalistes " respectables " soucieux de recycler " l'argent sale " ou d'échapper à la fiscalité de leur propre pays.

Il faut croire que cette politique a du succès puisque pour une population de 30 000 habitants (5 000 Monégasques, 12 000 Français et 12 900 étrangers tiers) les banques gèrent 340 000 comptes dont 61 % sont détenus par des non-résidents. On compte ainsi 10 fois plus de comptes courants que de résidents !

Mais le plus intéressant dans ce rapport n'est pas tant le rappel de pratiques déjà connues que l'attitude de la France vis-à-vis de ce détournement organisé.

Le rapport rappelle en effet la forte présence de la France dans l'administration monégasque. La plupart des hauts postes de l'administration et du gouvernement sont détenus par des Français (ministre d'Etat, conseiller du gouvernement pour l'Intérieur, directeurs des services fiscaux et des services judiciaires). De même les banques sont soumises au contrôle de la Banque de France. Mais tout ce monde vit en parfaite confraternité, bien convaincu que pour tous, c'est " motus et bouche cousue ". D'ailleurs le rapport cite l'ancien doyen des juges d'instruction de Monaco, Charles Duchaîne, un Français, qui explique que " l'on ne pouvait pas juger quelqu'un à Monaco pour blanchiment parce que c'était de nature à effrayer un certain nombre d'investisseurs et à dissuader certaines personnes de continuer à amener leur argent à Monaco ". Un autre magistrat, chargé de la division économique et financière, reconnaît que certaines affaires sont systématiquement bloquées par le gouvernement monégasque et le prince Rainier.

Bref, il y a de manière évidente des malversations, des trafics, des détournements, et les gouvernements français qui se succèdent font comme si de rien n'était. Pire même : ils reversent à un Etat, qui s'est fait de la fraude et de l'érosion fiscale une spécialité, plus de 800 millions de francs annuels de TVA. Un comble quand on sait que les riches résidents de Monaco ne payent pas un sou d'impôt !

Ces relations privilégiées entre la France et la Principauté de Monaco n'ont rien d'étonnant. Le maintien de cette principauté archaïque avec un statut d'Etat indépendant a précisément pour fonction de mettre un certain nombre de fortunes à l'abri et de permettre à l'Etat français un certain nombre de choses en dérogation à ses propres lois, au nom de " l'indépendance " de Monaco. Ces dérogations profitent évidemment aux plus riches ; et qu'ils soient " honnêtes " ou qu'ils le soient moins, ils ont droit aux protections d'un système qui respecte la fortune, et la respecte d'autant plus qu'elle est élevée.

Alors il y a de fortes chances que le rapport de l'Assemblée nationale soit " archivé ", comme les précédents, avec la mention " sans suite à donner ".

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