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- Lutte ouvrière n°1668
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La Poste (Paris Louvre / Recette Principale) : Unis, les postiers font reculer la direction
A la Recette principale de la rue du Louvre à Paris, les postiers, après cinq jours de grève, viennent d'arracher l'annulation de toutes les suppressions d'emplois prévues sur le centre à l'occasion du passage aux 35 heures et la création de treize emplois. Aussi, c'est avec un sentiment de victoire qu'ils ont repris le travail.
C'est l'annonce de 23 suppressions d'emplois pour les postiers travaillant à la distribution du courrier sur les 3e et 4e arrondissements qui avait mis le feu aux poudres. La Poste pensait que le mécontentement resterait isolé du fait que l'opération similaire pour les 1er et 2e arrondissements n'était programmée qu'à l'automne. Au même moment, 12 suppressions d'emplois étaient annoncées aux guichets. Mais comme ceux-ci sont un établissement distinct de la distribution, les cadres de La Poste espéraient sans doute que guichetiers et facteurs ne se rejoindraient pas dans l'action.
Des garanties pour tous
Dès le début de la grève, le lundi 19 juin, cette politique commença a être mise en échec, notamment à l'initiative de certains militants qui proposèrent de se battre ensemble, tous pour un, un pour tous. C'est tous arrondissements confondus que 170 facteurs, agents de cabines, manutentionnaires et chauffeurs en grève se réunirent, et ils décidèrent que l'objectif devait être d'obtenir non seulement le retrait des suppressions d'emplois qui venaient d'être annoncées, mais également la garantie qu'il n'y en aurait aucune sur l'ensemble du centre, y compris pour les services qui ne devaient passer aux 35 heures que plus tard. C'est dans cet état d'esprit que fut votée une plate-forme générale dans laquelle tout le personnel pouvait se reconnaître : pas de suppression d'emplois, réduction effective de la journée de travail, pas de changement d'horaires imposé, aucune augmentation de la charge de travail et six jours de congés supplémentaires. Ce jour-là, les guichetiers en grève à 100 % se réunirent encore de leur côté. Mais dès le lendemain, des grévistes de la distribution étant passés les chercher, les deux secteurs se rejoignirent dans une assemblée commune, à la satisfaction générale. Cela se répéta les jours suivants.
Tous les services sont touchés
Autre motif de satisfaction, le nombre de travailleurs en grève ne cessa d'augmenter au fil des jours, lentement certes, mais sûrement. Ce fut le cas notamment pour les postiers de la distribution du 1er et 2e arrondissement, très minoritaires au début mais qui rejoignirent bientôt en plus grand nombre le mouvement, comprenant que, pour faire renoncer la direction aux plans qu'elle leur préparait pour l'automne, c'était maintenant ou jamais. Ce renforcement progressif fut sans doute dû pour une bonne part au fait qu'à aucun moment les grévistes ne renoncèrent à s'adresser aux non-grévistes. Mercredi 21 juin le nombre de grévistes dépassa les 300, les guichets restant totalement en grève et la distribution atteignant les 50 %. Ce jour-là 80 postiers du centre de tri, lui aussi situé dans le même immeuble, s'y mirent à leur tour, bien qu'ayant déjà contraint leur direction à revenir sur les suppressions d'emplois qu'elle voulait leur imposer.
La direction de La Poste a cédé
Ce mercredi-là, au troisième jour de la grève, les directions des guichets et de la distribution qui avaient quasiment fait le mort jusque-là affichèrent une attitude provocatrice et méprisante, déclarant notamment que s'il y avait zéro suppression d'emplois, les facteurs ne travailleraient plus que 30 heures, et que c'était hors de question ! On apprenait également qu'au CTC La Chapelle, un centre de tri lui aussi en grève depuis lundi pour réclamer des effectifs, le directeur avait déclaré qu'il n'y aurait rien, " la donne ayant changé avec la grève de Paris Louvre ".
On pouvait penser que la direction de La Poste se préparait à une épreuve de force. Il y a plusieurs mois, elle avait fait durer de longues semaines les grèves de Nice et de Toulouse. Puis, suite à ces conflits, elle avait reculé en quelques jours lorsque le problème s'était posé dans des bureaux parisiens comme Paris 6 ou Paris 14, ne voulant pas alors prendre le risque d'un conflit qui aurait pu s'élargir en région parisienne. Y avait-il un nouveau revirement ?
Les grévistes s'y préparèrent, les provocations de la direction n'ayant fait que renforcer leur détermination à obtenir satisfaction. Face à cela, la direction de La Poste décida de passer par-dessus les directions locales pour éteindre un conflit qui, s'il avait duré, aurait pu cristalliser un mécontentement bien plus large des postiers. Il y eut bien une dernière tentative des directions locales de Paris Louvre, jeudi matin, de transiger sur une réduction de moitié des suppressions d'emplois. Cela ne réussit qu'à déclencher un tollé parmi les grévistes au cri de " Zéro suppression, zéro ! ". Mais quelques heures plus tard, c'est à la direction de Paris Centre-Nord que la délégation des grévistes et des représentants syndicaux étaient reçus. Le directeur de Paris Centre-Nord annonça d'emblée zéro suppression d'emplois. Les autres revendications furent ensuite satisfaites, à l'exception du paiement intégral des jours de grève (seuls deux jours sur cinq furent payés). Et vendredi 23 juin, la grève continuant, les directions locales durent bien s'incliner sur divers problèmes d'horaires et de charge de travail, et créer pour cela 13 emplois de plus.
La lutte unie a payé
Les postiers de Paris Louvre ont repris le travail avec le sentiment d'avoir fait reculer la direction de La Poste non seulement sur les attaques qu'elle leur avait annoncées, mais aussi sur celles qu'elle leur programmait pour plus tard. Des garanties ont été obtenues pour tous et, conformément à ce qui avait été décidé, personne n'a été laissé au bord du chemin. Et beaucoup sont conscients que ce qui a permis ce succès, c'est leur unité, leur capacité à surmonter les divisions sur lesquelles la direction de La Poste s'entend habituellement à jouer, et la crainte qu'ils ont réussi à lui imposer grâce à cela.