Décryptage du génome humain : La recherche scientifique ne fait pas bon ménage avec le profit30/06/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/06/une-1668.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Décryptage du génome humain : La recherche scientifique ne fait pas bon ménage avec le profit

Lundi 26 juin, plusieurs équipes publiques et privées engagées dans le décryptage du patrimoine génétique humain ont annoncé conjointement au Japon, en Grande-Bretagne, en France et aux États-Unis qu'elles avaient pratiquement atteint leur objectif.

Même si le décryptage complet et la compréhension du rôle des gènes ne sont pas attendus avant deux ou trois ans, cette avancée de la science laisse entrevoir de grands progrès dans la détection, et au-delà le traitement, de certaines maladies génétiques aujourd'hui incurables comme la myopathie ou la maladie d'Alzheimer.

Les enjeux ne sont pas seulement énormes pour la connaissance du corps humain et la médecine de demain. Ils le sont aussi pour les laboratoires privés et les grands trusts pharmaceutiques qui salivent déjà sur les retombées financières qu'ils pourraient tirer de cette connaissance. Et il n'a pas fallu attendre bien longtemps pour que soit posée la question de savoir si les gènes pouvaient être ou non brevetés, c'est-à-dire devenir la " propriété intellectuelle " exclusive de quelques grands groupes.

Pour beaucoup, ce débat sur la privatisation du décryptage des gènes semble aussi fou qu'indécent. D'autant que si des progrès sensibles ont pu être réalisés dans les laboratoires, c'est en grande partie grâce à l'argent public et aux fonds collectés auprès des particuliers. En France, par exemple, le " Génoscope " d'Evry, qui travaille sur le séquençage du chromosome 14 et participe au consortium international sur le génome humain, tire une bonne partie de son budget de fonctionnement des fonds collectés au fil des ans dans le cadre du Téléthon. Dès lors, pourquoi tous ceux qui ont participé à ces collectes pour faire avancer la science et accélérer la découverte de traitement contre certaines maladies ne se considéreraient-ils pas légitimement et collectivement " propriétaires " de ces découvertes ? Et au nom de quoi devraient-ils se laisser déposséder par les industries pharmaceutiques et les laboratoires qui leur sont liés ?

Oui, l'attitude de ces trusts est écoeurante : après avoir bien profité de la collectivité, ils voudraient maintenant s'approprier les résultats de cette recherche pour, au-delà, se réserver l'exclusivité des médicaments... et tirer d'énormes profits sur le dos de la Sécurité sociale et des autres systèmes de couverture, comme ils le font déjà avec les autres traitements.

Quant à ceux qui n'auront pas les moyens de payer, ils se verront cyniquement refuser l'accès à ces traitements comme c'est déjà le cas pour le sida et bien d'autres maladies que l'on pourrait combattre en Afrique, en Asie ou en Amérique latine.

Comme tous les domaines d'activités, la recherche médicale n'échappe pas à la rapacité et aux détournements de ceux qui n'ont pour objectif que la recherche du profit. Et il en sera ainsi tant que l'humanité ne sera pas débarrassée de cette maladie qui fait bien plus de ravages que les virus ou les malformations génétiques : la propriété privée et le profit capitaliste.

Partager