USA : Un système judiciaire qui massacre des innocents23/06/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/06/une-1667.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

USA : Un système judiciaire qui massacre des innocents

Plusieurs exécutions capitales aux Etats-Unis ont choqué l'opinion publique internationale et aussi une partie de l'opinion américaine, de même que les menaces de mort qui planent sur des condamnés que l'opinion publique considère comme innocents, par exemple Mumia Abu-Jamal. Tout cela a souligné ces derniers temps le caractère ignominieux du système judiciaire américain, au point que dans un Etat, l'Illinois, les exécutions capitales sont suspendues après que treize innocents ont été exécutés. Un rapport, publié lundi 12 juin à New York, vient à point pour souligner encore la barbarie de ce système.

Placé sous le patronage de l'école de droit de l'université de Columbia et rédigé par trois professeurs, ce rapport apprend en effet que, de 1973 à 1995, le système judiciaire américain a dû annuler 68 % des peines de mort prononcées par les tribunaux du fait d'" erreurs préjudiciables ". Le document examine 5 760 peines capitales et 4 578 procédures d'appel enregistrées en 23 ans et constate que, dans près de sept condamnations sur dix, l'accusé n'a pas bénéficié d'une justice équitable.

On y lit ainsi qu'" il y a tellement de dysfonctionnements qu'inévitablement le système ne peut tout contrôler et que des innocents ne sont pas identifiés lors des procédures d'appel. On se retrouve alors avec des détenus dans les couloirs de la mort dont les condamnations sont plus que discutables, mais qui n'ont que la grâce du gouverneur de l'Etat ou de la Cour suprême comme ultime recours ". Les rapporteurs estiment que " le système est devenu une machine à produire des erreurs judiciaires. Au risque de coûter la vie à des gens qui n'ont commis aucun crime ".

Il faut en moyenne plus de dix ans à la justice pour reconnaître ses erreurs. Dans 82 % des cas où la sentence de mort a été révoquée, l'accusé s'est vu imposer une sentence moindre, voire pas de sentence du tout.

L'Etat américain qui arrive en tête des exécutions capitales est le Texas, loin devant tous les autres puiqu'il a assuré, à lui seul, 34 % du total de celles-ci depuis la remise en vigueur de la peine de mort en 1976. Dans cet Etat, selon ce même rapport, la marge d'erreur est de 52 %. Cela signifie que sur 218 exécutions capitales au Texas depuis 1976 (19 depuis le début de l'année - pour 98 dans tout le pays), 113 personnes l'ont été sans preuves sérieuses. Mais dans d'autres Etats comme le Maryland, le Kentucky ou le Tennessee, où heureusement les exécutions capitales ont été moindres (respectivement, trois, deux et une), le taux d'erreur est estimé à... 100 %.

Le gouverneur du Texas est le fils Bush, qui lorgne sur la Maison-Blanche. Il y a quinze jours, lui qui, jusqu'à présent, se faisait fort de ne pas gracier les condamnés à mort, a, pour la première fois, suspendu une exécution. Mais qu'on ne s'y trompe pas, Bush ne change pas. Hier il exécutait pour flatter les préjugés de l'opinion publique. Si celle-ci commence à tourner, il cherche le nouveau vent, non pas pour plus de justice, mais pour parvenir à ses fins de politicien. Une barbarie peut en cacher une autre.

Le rapport pointe deux causes d'erreurs judiciaires. La première, ce sont les preuves occultées. Policiers et procureurs, quand ils découvrent des éléments disculpant l'accusé, préférant en quelque sorte les accusés clés en mains, n'hésitent pas à supprimer ces preuves ! Des dizaines d'exemples sont donnés en annexes du rapport.

D'autre part, il y a une véritable incompétence des avocats. Dans les affaires de crimes de sang, où il s'agit bien souvent de défendre des pauvres, les avocats, commis d'office, n'ont pas de budget pour conduire ne serait-ce qu'un semblant d'enquête et réunir des preuves pour leur client. Le New York Times vient de mettre à la Une le portrait d'un avocat du Texas, connu pour avoir accompagné le plus grand nombre de clients vers l'exécution capitale. Très différent de l'avocat des séries de la télévision américaine, type Perry Mason, cet avocat oubliait de déposer les procédures d'appel en temps et en heure et buvait avant ses plaidoiries...

Le rapport confirme donc la pourriture du système judiciaire américain. Les admirateurs d'une Amérique imaginaire seront surpris. Pas ceux qui savent que les Etats-Unis sont en réalité le pays où les inégalités entre les riches et les pauvres, et donc les injustices, sont les plus grandes. Il suffit de voir que les prédateurs de l'entreprise privée, en quête de nouveaux profits, après avoir dévasté le système de santé, s'attaquent maintenant à l'éducation publique. Et pas plus qu'ils ne se sont souciés de la santé hier, ils ne se posent aujourd'hui de questions sur l'avenir des enfants qu'ils vont priver de culture.

Pourquoi le système judiciaire américain échapperait-il à la corruption qui pourrit toute la société capitaliste ? Il n'y a là qu'un indice de plus de la grande marche en arrière de la communauté humaine à laquelle on assiste depuis bientôt trente ans et dans laquelle les Etats-Unis représentent l'avant-garde. Une avant-garde que l'on n'a pas envie de suivre.

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