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- Lutte ouvrière n°1667
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Leur société
Une déclaration de guerre qui mérite une riposte d'ensemble
Comme c'était prévisible, le Medef, avec à sa tête le baron Seillière, a annoncé lundi 19 juin qu'il entérinait l'accord sur la réforme de l'assurance chômage mise au point par son représentant, Kessler, et avalisée par la CFDT et la CFTC. Il demande donc maintenant au gouvernement Jospin de prendre à son compte ce formidable recul social et les modifications considérables qu'il devrait entraîner dans la législation sociale.
Et il faut bien constater que les autres confédérations syndicales, CGT, FO et CGC, bien loin de lancer une campagne d'information et de mobilisation du monde du travail face aux dangers encourus, se contentent d'en appeler à l'arbitrage d'un gouvernement qui avait pourtant fait savoir à l'avance qu'il ne refusait pas par principe l'avalisation d'un tel accord : il réfléchissait... S'appuyer sur lui, c'est donc s'appuyer sur du sable.
Une menace de paupérisation
Et pourtant le Plan d'Aide de Retour à l'Emploi, le PARE, est tout sauf un moyen d'améliorer la situation de l'emploi. Il vise à détruire la totalité du système de protection, bien limité, qui existait encore pour les salariés privés d'emploi, ce qui pèserait aussi bien sûr sur les conditions de vie de l'ensemble de la classe ouvrière.
Le PARE serait obligatoire à partir du 1er janvier 2001 pour tous les nouveaux chômeurs et se substituerait à tous les autres moyens existants. Le principe est simple : il prévoit une période de six mois d'indemnisation, qui sera réduite dès le deuxième refus de l'emploi que les équipes spéciales mises sur pied par le patronat en lieu et place de l'ANPE proposeront ou feront semblant de proposer aux chômeurs. Au quatrième refus, ce serait la radiation définitive, avec les conséquences qui en découleraient : plus aucune indemnité, plus aucun droit même à l'Allocation Spécifique de Solidarité pour les chômeurs en fin de droits, puisque pour y avoir droit il faut être allocataire des ASSEDIC.
Au bout de six mois, les chanceux qui n'auront pas été radiés pourront éventuellement, après examen par les commissions patronales, se voir accorder à titre exceptionnel une deuxième et dernière période de six mois, très surveillée et à condition que l'intéressé ait fait la preuve " d'efforts conséquents " dans sa recherche individuelle d'emploi.
L'ANPE et les ASSEDIC n'étaient pas tendres dans le système actuel avec les chômeurs : plus de deux cent mille d'entre eux étaient radiés chaque année, seuls 40 % des demandeurs d'emploi étaient indemnisés. C'est ce que le patronat appelle du laxisme. Quant aux équipes payées par les patrons pour faire semblant de proposer des emplois, il en existe de multiples à travers le pays, qui oeuvrent à l'occasion des multiples plans de licenciements. Elles auront tôt fait de remplir, si on le leur demande, les cases des quatre prétendus emplois proposés et refusés par les chômeurs.
Des dizaines de milliards d'économies
Le premier but clairement affiché par le patronat est de réaliser des dizaines de milliards de francs d'économies de cotisations ; dans un premier temps 70 milliards, dont 42 pour les seules cotisations patronales. Mais ce n'est qu'un début : si tout va bien, d'autres dizaines de milliards pourraient très vite être économisés. Il suffit de débarrasser encore plus vite des allocataires.
Le deuxième but est de faire accepter, par la menace, des emplois sous-payés à tous ceux qui prendront les emplois proposés, et plus généralement n'importe quel emploi, pour ne pas se retrouver sans aucune ressource. La précarisation de la situation de l'ensemble des chômeurs pèsera immanquablement sur le niveau de rémunération de l'ensemble du monde du travail, d'autant que le Medef a comme autre projet d'en finir avec les emplois à durée indéterminée et de généraliser pour tous les emplois précaires.
Il le fera peut-être d'autant plus facilement que toute une partie des dispositifs de protection actuellement existants devraient disparaîtra. Au 1er janvier 2001 l'Allocation Chômeur Agé disparaîtra. Elle permettait aux chômeurs ayant 40 années de cotisations, quel que soit leur âge, de se voir garantir jusqu'à leur retraite le maintien de leur rémunération d'entrée au chômage, sans avoir à pointer ni à rechercher un emploi. Cela va toucher des centaines de milliers de chômeurs de plus de cinquante ans qui n'auront plus comme seule perspective que le RMI, comme tous ceux privés de droit aux allocations. Rappelons qu'il y a déjà aujourd'hui plus de 1,1 million d'allocataires du RMI.
L'Allocation Formation Reclassement, l'AFR, qui garantissait une ressource et la prise en charge des formations pour les chômeurs, est également supprimée. Les éventuelles formations ne seraient réservées qu'aux quelques-uns sélectionnés par le patronat.
De plus, le PARE devenant obligatoire pour tous comme seul système, logiquement les conventions de conversion obligatoires pour tous les licenciés économiques devraient également disparaître. Elles avaient le tort pour le patronat de garantir à peu près le maintien du salaire antérieur pendant six mois et un total d'indemnisation sans dégressivité de 13 mois.
Mettre en échec les plans patronaux
Le patronat se croit tout permis, encouragé qu'il est par le manque de confiance en eux des travailleurs par suite des reculs successifs subis dans la dernière période, et dont le gouvernement Jospin est le premier artisan. Ce dernier plan patronal pourrait entraîner vers la misère les secteurs les plus fragiles de la classe ouvrière. Pour enrayer une telle offensive, il faudrait une mobilisation de l'ensemble des travailleurs pour faire payer cher à tous ces profiteurs leurs projets honteux.
Et si les confédérations et les représentants traditionnels des travailleurs se défilent par complicité avec les exploiteurs ou le gouvernement, il existe dans le pays assez de militants dévoués à leur classe, assez de travailleurs qui ne supportent plus l'arrogance sans limite des patrons et la servilité des politiciens à leur service, pour que la riposte nécessaire puisse survenir et inverser le cours des choses.