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- Lutte ouvrière n°1667
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Il y a cinquante ans : Le début de la guerre de Corée
Le 25 juin 1950, l'armée nord-coréenne, équipée d'un armement que lui avaient laissé les troupes soviétiques, franchissait le 38e parallèle, la limite au-delà de laquelle commençait la zone d'influence américaine. Constatant très vite l'impuissance militaire de la dictature qu'ils avaient installée au sud, les Etats-Unis intervinrent directement, engageant une guerre qui devait durer trois ans.
25 juin 1950
La population coréenne, annexée de force au Japon en 1910, pouvait espérer avec la défaite du Japon de 1945 la fin de l'emprise de ce pays. Mais c'était sans compter avec le pacte qu'avaient scellé les vainqueurs de la guerre, l'impérialisme américain et l'URSS stalinienne, contre le droit des peuples. Les troupes soviétiques occupèrent le nord de la presqu'île deux jours avant la défaite japonaise, les troupes américaines le sud de la Corée quatre semaines plus tard, avec le souci commun d'y faire taire la population. Une ligne de démarcation fut établie entre les deux zones le long du 38e parallèle.
Un partage imposé par les grandes puissances
La joie qui avait éclaté à Séoul, la capitale du sud, quand le commandant américain, le général Hodge, reçut la capitulation japonaise le 9 septembre 1945, fut de courte durée. Il décida le maintien des fonctionnaires japonais stationnés en Corée, qui étaient vomis de la population, et on lui prêta les propos suivants : " Les Coréens sont de la même race de chats que les Japonais ". Les Etats-Unis portèrent au pouvoir Syngman Ree, qui se comporta en bourreau pour tous les opposants.
Au nord, l'armée soviétique installa Kim Il-sung, qu'elle avait ramené d'URSS. Son passé de combattant en faveur de l'indépendance de la Corée contre le Japon dans les années trente lui donnait du prestige, dans un pays où les exactions de l'armée d'occupation japonaise avaient laissé de sinistres souvenirs. Sa popularité grandit à travers le pays quand il organisa une réforme agraire au bénéfice des petits fermiers.
La division de la Corée était en principe provisoire, jusqu'aux élections prévues dans les deux zones, qui devaient aboutir à la création d'un gouvernement commun. Mais la situation se figea. En effet les Etats-Unis étaient en train de durcir leur politique pour endiguer l'influence de l'URSS, tandis que celle-ci cherchait à se constituer un glacis qui ferait tampon avec les pays impérialistes, sans que cela remette en cause les rapports sociaux. La Guerre Froide avait commencé.
De nombreuses familles se trouvèrent partagées entre les deux zones désormais ennemies. La pauvreté fut encore renforcée par la coupure économique, le nord jusque-là payant en bois, charbon, fer et courant électrique, le riz, l'orge et les textiles produits par le sud.
A la fin de 1948, quand les troupes soviétiques se retirèrent en grande pompe, Kim Il-sung dénonça auprès de la population le maintien des troupes américaines au sud. Celles-ci partirent en juin 1949. Cependant, six cents conseillers américains restaient sur place pour aider à organiser une police et une armée au service de la dictature de Syngman Ree.
Les Etats-Unis, soucieux de désamorcer une révolte agraire et d'ôter un argument de poids au gouvernement du Nord, conseillèrent à leur protégé du Sud d'annoncer lui aussi un partage des terres, mais le gouvernement de la Corée du Sud s'y refusa, ce qui renforça l'hostilité de la population à son égard.
En Chine, la réforme agraire à laquelle s'était finalement décidé Mao lui valut une immense popularité, donnant un nouvel élan à l'armée qu'il avait forgée dans la lutte contre le Japon. Les Etats-Unis assistèrent impuissants à sa prise de pouvoir le 1er octobre 1949.
En Corée, l'aspiration à un partage des grandes propriétés se conjuguait à celle de l'unité nationale. C'est dans ces conditions favorables que, le 25 juin 1950, l'armée du Nord, forte de 60 000 hommes et de quelques dizaines de blindés, franchit le 38e parallèle. En 24 heures, elle atteignait les faubourgs de Séoul, la capitale du Sud. L'armée sud-coréenne s'était débandée.
Les Etats-Unis s'empressèrent d'intervenir. Ce qu'ils avaient été contraints de laisser faire en Chine ne devait pas servir de précédent à d'autres peuples pauvres, dans une situation où l'URSS, malgré sa politique de maintien du statu quo, pouvait néanmoins servir de point d'appui à des contestations.
L'impérialisme US derrière le masque de l'ONU
Dès le 26 juin, le président US Truman décida l'envoi des troupes. Il obtint de l'ONU qu'elle désigne la Corée du Nord comme agresseur et qu'elle apporte au Sud " toute l'aide nécessaire pour repousser les assaillants ". Le secrétaire général de l'ONU s'exclama : " C'est une guerre déclarée contre les Nations unies ! ". Cette intervention de l'impérialisme se déroula donc sous le couvert de l'ONU. Ce ne serait pas la dernière fois.
L'URSS de Staline, qui ne voulait rien d'autre que le maintien de l'ordre existant, se garda bien d'intervenir. Après s'être tus pendant quelques jours, ses représentants demandèrent... l'arbitrage de l'ONU, alors que celle-ci patronnait déjà l'intervention armée en Corée. Seize nations dont la France envoyèrent des troupes aux côtés des sudistes. Parallèlement, les Etats-Unis firent un geste en livrant du matériel militaire pour la guerre coloniale que la France menait alors en Indochine : la défense du colonialisme français faisait partie désormais d'une croisade du " monde libre " contre le " communisme ". Aux Etats-Unis, la campagne anticommuniste qui avait été déclenchée en février 1950 par le sénateur McCarthy prit des allures hystériques, tandis qu'en Europe de l'Ouest l'éventualité que la guerre de Corée ne débouche sur une troisième guerre mondiale provoquait la panique : sucre, huile et savon avaient disparu des épiceries.
Le général MacArthur, qui régentait le Japon occupé par l'armée américaine, fut chargé de commander les opérations de l'ONU en Corée. Son premier rapport envoyé à Washington était alarmant : " Les forces sud-coréennes sont complètement désorganisées ; elles n'ont jamais combattu sérieusement et manquent de chefs. Conçues et équipées pour constituer des forces légères destinées à maintenir l'ordre intérieur du pays, elles n'ont reçu aucun entraînement pour résister à une attaque par blindés ou par avions ". Effectivement. Entraînées pour l'arrestation et la torture des communistes et autres opposants, elles ne résistèrent pas à une offensive militaire qui avait ses partisans dans le Sud de la Corée. MacArthur concluait : " La seule solution pour tenir les lignes actuelles, et pour regagner par la suite le terrain perdu, réside dans l'intervention de forces terrestres des Etats-Unis ". Et il fut entendu.
Cependant, malgré le renfort des troupes américaines, l'armée sud-coréenne continua d'être refoulée. Elle dut s'accrocher à un petit réduit à l'extrémité de la péninsule.
Le 15 septembre, le conflit changea de dimension. Les Etats-Unis organisèrent à Inchon, le port de Séoul, un débarquement de troupes avec un pont aérien tel qu'ils en avaient organisé pendant la guerre du Pacifique. En quinze jours, la situation militaire fut renversée. Pour reprendre Séoul cependant, les marines durent engager une bataille de rues où la moitié de leurs effectifs furent tués ou blessés.
MacArthur chassa l'armée nord-coréenne au-delà du 38e parallèle et, toujours sous le couvert de l'ONU, poursuivit bien au-delà vers le nord, jusqu'au fleuve Yalu qui marque la frontière avec la Chine. De l'autre côté, Mao avait mobilisé 200 000 hommes, qualifiés de volontaires, car officiellement l'armée chinoise n'intervint pas. Au cours de l'hiver, ils infligèrent une lourde défaite aux marines, qui furent contraints à une guerre épuisante de fantassins. A partir de l'hiver 1951, le front se stabilisa autour du 38e parallèle. Mais des combats atroces durèrent encore jusqu'en 1953.
Le mythe d'une intervention " propre "
Malgré la supériorité militaire écrasante que leur donnaient leur aviation, leurs tanks et leurs bombes au napalm, les Etats-Unis n'avaient pas réussi à contrôler l'ensemble de la péninsule. Cependant les Coréens qui s'étaient battus pour unifier leur pays contre la puissance de guerre des Etats-Unis n'y étaient pas parvenus. L'armistice conclu le 27 juillet 1953 consacra une frontière entre le Nord et le Sud très proche de celle de 1950.
Il y eut 54 000 morts parmi les soldats américains - ce qui fut douloureusement ressenti et fit disparaître pour un temps le mythe d'une intervention " propre " dans l'opinion américaine - tandis que la population coréenne payait un tribut très lourd, de un à deux millions de morts selon les estimations, sur une population de 30 millions. La Corée du Nord, industrialisée pendant les 40 ans qu'avait duré l'annexion japonaise, était anéantie ; Séoul, la capitale du Sud, détruite.
Contrairement au Nord, la Corée du Sud a, depuis 1953, reçu des capitaux américains. De nouvelles usines sont apparues, et avec elles une classe ouvrière qui a montré sa combativité ces dernières années.
Si les pourparlers actuels, engagés en vue d'une éventuelle réunification, aboutissent à un accord, il est à souhaiter qu'il permette de faciliter la vie de la population des deux côtés de la frontière. Et il faut souhaiter aussi et surtout que les travailleurs du Nord et du Sud réussissent à unir leurs forces contre un système qui, cinquante ans après la guerre de Corée, engendre encore tant de misère, de destructions et d'exploitation.