Euro 2000 : Foot, fric, chauvinisme23/06/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/06/une-1667.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Euro 2000 : Foot, fric, chauvinisme

Le sport peut, paraît-il, rapprocher les individus, les confronter dans une saine émulation fraternelle où l'effort physique et une recherche commune dans le dépassement de soi, doivent aboutir au respect mutuel, même dans un domaine aussi limité que la recherche de performances, quel qu'en soit le niveau. Mais, à voir les scènes d'émeutes qui se sont déroulées lors du match Angleterre-Allemagne dans le cadre de l'Euro 2000, on est loin, bien loin des mérites attribués au sport, si tant est d'ailleurs que de tels mérites ont aujourd'hui le moindre sens.

Car la compétition sportive n'est pas neutre. Elle ne se déroule pas dans un havre de paix coupé du reste de la société. Elle en serait plutôt le reflet, concentrant même ce qu'il y a de pourri dans ce monde. Le fric, le chauvinisme, la violence raciste gangrènent le sport, entend-on souvent dire. Mais le sport, du moins tel qu'il est pratiqué et encouragé, peut-il exister sans ces attributs qui soi-disant le dénaturent ? Si cela était, le sport ne serait pas ce qu'il est actuellement. Quelques joueurs ne seraient pas payés à prix d'or, les transferts n'atteindraient pas les niveaux que l'on sait, des clubs ne seraient pas cotés en Bourse comme cela se fait dans certains pays. Bref, le sport ne serait pas le règne du fric-roi. Or, c'est bien ce qu'il est.

Quant au chauvinisme et à son corollaire, la haine raciale, n'est-il pas consciemment et volontairement brandi lors des épreuves importantes où les athlètes doivent représenter une quelconque des couleurs nationales ? Il est des épreuves, comme les Jeux Olympiques, où on en oublierait presque les détenteurs de records, pour ne retenir que le nombre des médailles obtenues par tel ou tel pays.

Dans ce contexte, le hooliganisme n'est en fait que l'expression exacerbée de sentiments considérés par ailleurs comme " normaux ". Et si ce phénomène se concentre avant tout sur le foot, c'est tout simplement parce que c'est le seul sport qui, par sa popularité, draine des dizaines, voire des centaines de milliers de spectateurs. Il suffit alors de quelques individus, poussant à l'extrême des sentiments nationalistes partagés par bien d'autres, pour en arriver à des scènes comme celles de Charleroi.

Et qui ne se souvient du drame au stade bruxellois du Heysel en 1985, qui avait fait 39 morts et 600 blessés lors d'affrontements entre des supporters de l'équipe anglaise de Liverpool et ceux de la Juventus de Turin ? Les clubs anglais avaient été alors exclus des compétitions internationales pendant cinq ans, sans que pour autant le hooliganisme ne disparaisse. Mais les Anglais n'ont évidemment pas le monopole du hooliganisme. A des degrés divers, le phénomène existe dans tous les pays. Il s'exprime par des batailles rangées, par la chasse aux immigrés au sortir des matchs, par des propos et des attitudes racistes à l'égard des joueurs de couleur. Il est le fait de groupes d'extrême droite plus ou moins constitués, d'individus réactionnaires, de petits bourgeois suffisamment fortunés pour suivre une équipe dans ses déplacements à travers l'Europe. De nombreux hooligans arrêtés sont par ailleurs médecins, avocats, informaticiens... en mal de prétendues " sensations fortes ".

Et le sport dans tout cela ? Eh bien, il est ce que la société en a fait, un vaste spectacle, une vaste foire aux muscles propre à servir d'étendard à des individus exprimant des sentiments de bas niveau.

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