Espagne : Nouvelle loi sur l'immigration, une véritable loi d'exception23/06/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/06/une-1667.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Espagne : Nouvelle loi sur l'immigration, une véritable loi d'exception

En Espagne, le gouvernement du Parti Populaire, de droite, vient de rendre publique la nouvelle loi sur les étrangers qu'il va présenter au Parlement. Elle constitue une attaque brutale contre les immigrants, qui s'incrit dans la continuité de la politique répressive pratiquée à l'encontre de ces travailleurs étrangers, venus bien souvent du Maroc.

Depuis longtemps déjà les dirigeants du Parti Populaire mènent une campagne à caractère raciste contre les immigrants. Le ministre de l'Intérieur, Jaime Mayor, affirmait récemment :" L'immigration sera le principal problème concernant la cohésion de la vie sociale en Espagne ". On se souvient comment à El Ejido, près d'Almeria, la municipalité présidée par un maire du Parti Populaire, invoquant " une opération de nettoyage ", avait fait démolir fin avril des baraquements où étaient regroupés des immigrants. Or une telle politique encourage immanquablement le développement d'agissements racistes vis-à-vis des immigrés comme l'ont montré différents incidents xénophobes survenus à Lepe, dans la province andalouse de Huelva, ou encore à Totana près de Murcie, où se trouve concentrée une nombreuse main-d'oeuvre immigrée.

En ce qui concerne l'entrée illégale des immigrants en Espagne, le gouvernement n'a pas seulement élevé, à Ceuta et Melilla, une véritable muraille à la frontière entre ces territoires espagnols et le Maroc, mais il a aussi annoncé son projet de " blinder le détroit de Gibraltar ".

Or c'est déjà à cause de toutes ces mesures de " contrôle " de l'immigration que tant d'immigrants, à la merci d'une véritable mafia de passeurs, trouvent la mort en franchissant le détroit de Gibraltar dans des conditions précaires.

En une année, au moins 120 personnes ont péri noyées, et sur dix ans le chiffre des victimes est de 3 450 tués.

La nouvelle loi, véritable loi d'exception, ne résoudra évidemment rien de ce point de vue. En revanche, elle supprime pour les immigrants en situation illégale les droits de réunion, d'association, tout comme celui de se syndiquer ou de faire grève. Pour obtenir une autorisation de séjour temporaire, il faut faire la preuve d'un séjour en Espagne de cinq ans, au lieu de deux ans dans la législation actuelle. Les expulsions, qui sont l'objet d'une procédure d'urgence, se font dans les 48 heures. Et bien entendu, toutes ces mesures font des immigrés sans papiers de véritables esclaves à la merci de patrons qui peuvent puiser là une main-d'oeuvre bon marché et privée de tous les droits.

Les immigrés dont la situation a été régularisée devraient voir aussi leur situation empirer. Le droit au regroupement familial est réduit. Il est affirmé que les immigrants en situation légale auront des droits " comparables " à ceux des Espagnols, mais pas les mêmes, est-il précisé. Des limitations sont par exemple mises au droit de circulation des étrangers pour des " raisons de sécurité publique ". Le gouvernement se désintéresse totalement des conditions de logement et de vie des immigrés temporaires, qui font l'objet d'un contrat légal.

Les conditions d'entrée en Espagne devraient devenir par ailleurs considérablement plus difficiles. Le refus du visa est laissé à l'arbitraire de l'administration et l'assistance juridique est refusée aux immigrants qui sont repoussés à la frontière.

Il s'agit en fait d'une loi policière et raciste, faite pour le patronat et qui va aggraver les conditions d'exploitation et de vie des travailleurs immigrés.

Bien que le parti socialiste PSOE, aujourd'hui dans l'opposition, ait affirmé son opposition à la nouvelle loi, il a sa part de responsabilité dans cette politique vis-à-vis des travailleurs étrangers. C'est ainsi par exemple qu'on a pu voir le dirigeant socialiste Manuel Chaves, président du gouvernement autonome d'Andalousie, apporter son appui au " blindage " de la frontière avec le Maroc.

Néanmoins les attaques dont les immigrants sont l'objet ont suscité des réactions. Depuis les événements de El Ejido, les travailleurs immigrés font connaître leurs problèmes. Ils manifestent, ils s'organisent. Mais dans cette lutte et pour s'opposer à la nouvelle loi sur les étrangers, la solidarité de l'ensemble des travailleurs espagnols est absolument nécessaire.

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