Ce livre, qui porte en sous-titre " le plus long scandale de la République ", tient à dénoncer la politique menée par l'impérialisme français en Afrique depuis près d'un demi-siècle.

Dans une première partie, il s'attaque au système de " l'aide au développement " qui, de réseaux politiques en filières occultes, permet surtout " de prendre l'argent des pauvres des pays riches pour le donner aux riches des pays pauvres... parce que ces riches des pays pauvres en rendent une bonne part aux riches des pays riches ". Il en profite pour montrer l'hypocrisie de tous les partis qui se sont succédé au gouvernement, fermant les yeux sur les détournements dont ils bénéficient largement.

Au-delà des mécanismes de dévoiement de l'aide, l'auteur s'attache surtout à dénoncer les crimes commis dans le cadre de la politique africaine de la France. Une politique qui, de De Gaulle à Chirac, en passant par Giscard et Mitterrand, vise au-delà de la décolonisation à protéger, voire à agrandir le " pré carré " de l'impérialisme français, face notamment à ses concurrents anglo-américains, pour y perpétuer l'exploitation des nombreuses ressources du continent africain (pétrole, diamant, etc.). Et comme les profits qu'en tirent les Elf, Bouygues, Bolloré, le Crédit Lyonnais et bien d'autres groupes financiers, sont énormes, les moyens importent peu. Cela va de la corruption à l'assassinat, en passant par la manipulation de guérillas, l'ethnisme, les fournitures (officielles ou officieuses) d'armes et de mercenaires, le soutien aux pires dictateurs et la complicité de génocide. Des interventions peu avouables, mais toujours couvertes par les mensonges des représentants de l'Etat et les manipulations de l'opinion par de pseudo-arguments humanitaires.

De coups tordus en guerres ouvertes, F-X. Verschave nous entraîne ainsi, avec force détails et témoignages, de l'intervention " pétro-humanitaire " de la France et de ses alliés africains dans la sécession biafraise en 1967 à l'enrôlement de miliciens serbes pour assurer la défense jusqu'au bout du régime de Mobutu au Zaïre, en passant par le massacre des Bamilékés pour tenter d'éradiquer l'opposition au Cameroun dans les années Soixante, le Congo d'Elf et d'Omar Bongo, l'assassinat de la représentante de l'ANC à Paris, Dulcie September, ou encore la protection des responsables du génocide au Rwanda.

Avec Foccart, Houphouët-Boigny, Bongo, Eyadema, les hommes d'Elf, les services secrets et les divers réseaux (ceux de Pasqua, de Jean-Christophe Mitterrand...), F-X Verschave nous livre un tableau de cette " Françafrique ", " nébuleuse d'acteurs économiques, politiques et militaires polarisés par l'accaparement des matières premières et de l'aide publique au développement. "

Certes, l'auteur, qui est également responsable de l'association " Survie " et tente de mobiliser des personnalités en faveur de la lutte contre la pauvreté en Afrique, a parfois des formulations contestables, lorsqu'il évoque par exemple la politique de De Gaulle d'affirmation de l'indépendance de la France qui " concourt à relativiser les hégémonies " des différentes grandes puissances. De même, il manifeste des illusions à propos de certains leaders africains. Cela étant, il sait faire partager son indignation face à la politique criminelle que l'impérialisme français poursuit depuis plus de quarante ans en Afrique.

Roger MEYNIER

La Françafrique, de François-Xavier Verschave. Éditions Stock, 380 pages, 130 francs.