Ces camarades ont demandé à se constituer en tendance structurée ou, autrement dit, en fraction.

C'est pourquoi ils s'expriment dorénavant chaque semaine à cet endroit, dans les colonnes de notre hebdomadaire, parfois pour défendre des opinions identiques ou semblables à celles de la majorité, parfois pour défendre des points de vue différents.

D'abord prévue pour juillet, l'évacuation des troupes israéliennes du Liban Sud s'est déroulée en mai, prenant des allures de déroute.

En optant pour un retrait unilatéral, le gouvernement israélien a dévoilé la faiblesse de sa position. Certes, sur un plan purement militaire, l'armée israélienne aurait probablement pu prolonger une occupation vieille de plus de 20 ans. Mais c'est le " front intérieur " qui a cédé. L'opinion publique israélienne était lasse de voir la jeunesse tomber dans les escarmouches contre le Hezbollah chiite et les autres mouvements de résistance libanais. Autant qu'on puisse en juger, le prestige de l'armée en a pris un sacré coup, surtout chez les plus jeunes. Tout particulièrement les plus jeunes soldats condamnés à servir deux à trois ans. Ras-le-bol de l'enlisement dans cette sale guerre depuis 20 ans. Etat d'esprit que les gros titres de la presse israélienne ont reflété : " Maman, j'ai quitté le Liban " ou " Les enfants sont rentrés à la maison ". Selon de récents sondages, les deux tiers des Israéliens étaient partisans du retrait.

Mais ce qui devait être un repli en bon ordre s'est transformé en déroute, du fait de la débandade des miliciens de l'ALS démoralisés par la retraite de leur protecteur. Ces harkis libanais, dont beaucoup d'anciens membres des milices d'extrême droite chrétiennes, avaient lié leur destin politique comme leur survie économique à la présence de l'envahisseur israélien. Au lieu de couvrir comme prévu le repli de l'armée israélienne, les mercenaires gradés ont été les premiers à faire leur bagages, vite suivis par leurs subordonnés. Ceux qui ont opté pour l'exil en Israël, par crainte des représailles de la population libanaise, y sont certainement voués à une existence précaire.

Le repli israélien a surtout accru le prestige du Hezbollah, malheureusement le seul courant en position d'incarner la résistance libanaise à l'occupation. Ces miliciens chiites ne valent guère mieux que l'Etat Libanais qui leur laisse les mains libres sur son territoire ou que la dictature syrienne qui impose elle aussi sa loi dans le pays. Derrière l'ultra-nationalisme religieux qui est leur fonds de commerce, les dirigeants du Hezbollah sont des bourgeois " responsables ", c'est-à-dire tout à fait capables de s'entendre avec l'Etat Israélien, les dictatures arabes et les pays impérialistes pour maintenir l'ordre et opprimer la population sur le bout de territoire qui leur aura été concédé. Les responsables de la Force intérimaires des Nations unies pour le Liban (FINUL) viennent de les féliciter pour leur " grande maturité " et leur " vrai sens des responsabilités ", c'est tout dire !

Ce sont certainement les dernières émeutes des jeunes Palestiniens, pour la libération des 1 600 prisonniers des geôles israéliennes, qui ont incité le gouvernement israélien à précipiter le calendrier de son retrait du Liban. Façon de donner quelques gages à l'opinion lassée de la guerre. Façon surtout de lâcher quelque chose aux éventuels alliés des Palestiniens, y compris la Syrie ou les milices du Hezbollah, pour tenter de désamorcer ainsi toute aide de leur part.

Les dirigeants israéliens, par leur recul spectaculaire au Liban, comptent avoir les mains plus libres pour faire face à la nouvelle flambée de colère palestinienne. Mais l'arme est à double tranchant. Car la preuve est donnée aux jeunes Palestiniens qu'on peut faire reculer l'armée israélienne. Ce qui apparaît à tous comme une victoire pour le Hezbollah du Liban renforcera probablement, dans un premier temps, les islamistes du Hamas.

Mais l'avenir proche au Liban Sud pourrait montrer au peuple palestinien lui-même que le Hezbollah ou le Hamas qui happent aujourd'hui les espoirs des plus révoltés, se serviront d'eux plutôt qu'ils ne les servent. Car derrière leurs exhortations démagogiques et fanatiques, ils sont de bons défenseurs du système impérialiste, eux aussi. Comme s'est confirmé l'être, de son côté, Yasser Arafat à qui la génération antérieure avait donné sa confiance. Pourtant, la prétendue " autonomie palestinienne " qu'il dirige et cautionne consiste à collaborer avec les militaires, policiers, matons et agents secrets de l'Etat d'Israël pour maintenir les Palestiniens parqués dans des parcelles de " territoires autonomes et occupés " misérables, alors que les colonies israéliennes dont tous les gouvernements israéliens successifs ont encouragé le développement, sont en comparaison des oasis de richesse et de modernisme.

Est-ce à dire que la situation est désespérée pour les travailleurs et les populations pauvres de cette région du monde ? Certainement pas. Mais l'issue va dépendre de la capacité des Palestiniens, non pas à lutter car ils le font depuis longtemps, mais à trouver le chemin de la lutte politique indépendante, sur la base des intérêts des exploités et opprimés palestiniens mais aussi de toute la région. Contre la politique d'Israël et de l'OLP mais également contre celle du Hamas et de ses semblables. L'issue va dépendre aussi de la jeunesse israélienne et de sa capacité à sortir de l'ornière d'une politique de colonisation.