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Crédit Agricole (Sud Rhône-Alpes) : Sept jours de grève
Les salariés du Crédit Agricole Sud Rhône-Alpes (qui regroupe les départements de l'Isère, de l'Ardèche et de la Drôme) ont fait sept jours de grève à une écrasante majorité, du mardi 16 mai au mercredi 24 mai, ce qui ne s'était pas vu depuis longtemps.
Le Crédit Agricole est engagé depuis plusieurs années dans des opérations de restructuration dont le but est de rentabiliser, de dégager un maximum de profits. D'ailleurs, d'un point de vue patronal, cela marche, puisque pour l'exercice 1999 le résultat net était de 15,5 milliards de francs, en hausse de 26 %.
Tout cela se fait sur le dos du personnel. La première étape a été la constitution de Sud Rhône-Alpes (SRA) par la fusion des caisses régionales de l'Ardèche, de la Drôme et de l'Isère. Cette fusion s'est accompagnée de redéfinitions des postes avec charges de travail à la hausse et, peu à peu, de suppressions d'effectifs. Ainsi, depuis cette opération, ce sont 350 emplois qui ont été supprimés sur l'ensemble des trois départements.
L'accord national sur la réduction du temps de travail (RTT), signé fin 1999 par la majorité des organisations syndicales (à l'exception de la CGT et de la CFTC), fut l'occasion pour la direction d'enfoncer le clou. En effet, cet accord met en place l'annualisation du temps de travail. Des jours de " repos " supplémentaires sont accordés, mais aucune embauche n'est prévue, bien au contraire le non-remplacement des départs est toujours à l'ordre du jour. Alors, que peuvent bien signifier ces jours de " repos " en plus, alors que les objectifs à réaliser demandent à chaque employé de plus en plus de temps, avec un effectif qui fond peu à peu ? L'accord national renvoie à des négociations caisse par caisse (qui ont commencé début janvier 2000 pour SRA) et là aussi l'acceptation de cette procédure par les syndicats met les salariés en moins bonne position sur le plan du rapport de force.
Bien évidemment la direction SRA s'appuie sur l'accord national, favorable à ses intérêts. D'ailleurs le directeur de la caisse Sud Rhône-Alpes n'est autre qu'un des négociateurs de l'accord national (du côté de la direction, bien sûr). Et il n'a pas deux visages. C'est ainsi qu'il annonce, sur SRA, dans les années à venir, 318 nouvelles suppressions de postes, qu'il prévoit de recourir de plus en plus aux CDD et qu'il propose des objectifs par service et par salarié revus à la hausse. Les syndicats semblent prétendre que le directeur local ne jouerait pas le jeu et n'appliquerait pas l'accord national. En tout cas, depuis plusieurs semaines le mécontentement augmentait dans les services. Il faut dire que chacun croule sous la charge de travail, sous la pression des cadres qui mettent en avant des objectifs personnalisés impossibles à réaliser dans le cadre des horaires prévus.
A l'exception de la CFTC, l'ensemble des organisations syndicales, réunies dans une intersyndicale, ont donc appelé à la grève, sentant le mécontentement grandir. Le personnel n'a pas bien mesuré, sur le coup, les conséquences néfastes de l'accord national. Par contre il devenait difficile de justifier sa mise en application. A partir du 16 mai la grève fut donc massive, à la fois dans les agences dont le personnel est très mobilisé, mais aussi sur les sites administratifs. Au-delà de la plate-forme revendicative de l'intersyndicale, très détaillée et riche de nombreux points, c'est un véritable ras-le-bol qui s'exprimait, ce qui tenait le plus à coeur aux grévistes étant l'exigence d'embauches massives.
Chaque jour ont eu lieu des assemblées et des manifestations regroupant des centaines de grévistes des trois départements. Une fois c'était à Valence puis à Grenoble, ensuite à Privas. Ainsi à Grenoble, mardi 23 mai, plusieurs centaines de grévistes se retrouvèrent au siège, dans une ambiance pétaradante et bruyante. La manifestation se rendait ensuite au journal le Dauphiné Libéré dont les comptes rendus faisaient la part trop belle à la direction. Puis tout le monde se dirigea à la gare SNCF pour bloquer un train.
Mercredi 24 mai, les grévistes se retrouvèrent à Valence, toujours aussi nombreux. Les dirigeants syndicaux nous apprirent que le directeur avait accepté de négocier la veille au soir. Ils nous firent la lecture d'un protocole d'accord contenant quelques concessions : 160 embauches de CDI pour la période juin 1999-septembre 2002, avec priorité pour les CDD : une prime de 1 000 F annuelle. La réaction des grévistes montrait que cela leur semblait bien insuffisant, notamment par rapport aux embauches nécessaires. Deux organisations syndicales (CGC et SNIACAM), faisant partie de l'intersyndicale, annonçaient, sous les sifflets, qu'elles allaient signer cet accord. La CGT et la CFDT proposaient de continuer la grève. Un vote à bulletins secrets était organisé qui donnait un résultat très clair : 71 % des grévistes étaient pour continuer la grève.
Mais un quart d'heure après, la CGT et la CFDT venaient annoncer qu'il n'était plus possible de continuer la grève... car deux organisations syndicales venaient juste de signer le protocole et que la direction arrêtait toute négociation. Ce lâchage syndical, puis ce revirement laissaient les travailleurs désemparés et amers. Le travail reprenait le lendemain. L'idée qu'à la prochaine grève, il faudra que les grévistes se donnent les moyens de diriger eux-mêmes la grève fait son chemin. En tout cas, les salariés, et c'est malgré tout ce qui domine, ont le sentiment d'avoir marqué des points face à la direction. Désormais il faut compter avec eux !