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- Lutte ouvrière n°1663
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Renault-Sovab (Batilly - Lorraine) : La grève de l'équipe de nuit fait reculer la direction
Débrayages spontanés, puis à l'appel des syndicats, grève reconductible... l'équipe de nuit de Renault-Sovab à Batilly a connu une première quinzaine de mai mouvementée provoquée par le passage aux 35 heures qui se traduisait pour cette équipe à temps partiel par... un allongement du temps du travail. Ils ont obtenu de prendre le poste plus tard (21 heures au lieu de 20 h 30), 5 minutes de pause supplémentaires ainsi qu'une augmentation de salaire de plus de 400 F net. Et c'est avec le sentiment d'avoir obtenu une victoire que la reprise du travail a été votée le 18 mai.
À Batilly (3 200 salariés dont 900 intérimaires), nous sommes passés aux 35 heures le 1er avril. Pour les équipes en 2x8, cela s'est traduit par une diminution des horaires de l'équipe d'après-midi qui finit une heure plus tôt. Et la grève menée en juin-juillet dernier (voir LO nº 1617 et 1618) a permis d'éviter la flexibilité, en particulier les samedis obligatoires. L'accord des 35 heures, ratifié par tous les syndicats, a été approuvé par 83 % des salariés. Par contre, l'équipe de nuit fixe avait voté à une majorité de 57 % contre l'accord car les 35 heures représentaient une véritable régression.
En effet, par la magie de la réduction du temps de travail, l'équipe de nuit passait de 30 heures à... 34 h 18, avec une légère augmentation de salaire. Et surtout, au lieu de prendre son poste à 21 h 25, elle devait démarrer une heure plus tôt à 20 h 30 alors que beaucoup viennent de loin et doivent ainsi partir de chez eux à 19 h 30, voire 19 heures. C'est dire qu'en plus de la nuit, la soirée était aussi gâchée !
Début mai, deux débrayages spontanés ont donné la mesure de la colère. À ces deux débrayages, la réponse de la direction fut : pas question d'augmenter le coût de l'équipe de nuit. Ce que les travailleurs trouvaient un peu fort de café à l'heure où Renault mettait 3,9 milliards sur la table pour racheter Samsung !
À l'initiative de la CGT, une pétition fut signée par la quasi-totalité des 600 salariés de nuit (pour moitié des CDI et pour moitié des intérims). Une première assemblée générale de 300 salariés (CDI et intérimaires) se tint le jeudi 11 mai, à l'appel de l'intersyndicale, où l'équipe de nuit exprima avec force son mécontentement vis-à-vis de l'accord des 35 heures... comme des syndicats qui l'avaient signé.
Mais le lendemain, l'intersyndicale diffusa un tract reprenant les revendications de la nuit : débuter le poste à 21 h 53 au lieu de 20 h 30, les mêmes pauses que les 2 x 8 (25 minutes de repas et non pas 15) avec ouverture du self et paiement au tarif de nuit : l'accord d'entreprise stipule que ceux qui effectuent 6 heures de travail entre 22 heures et 6 heures du matin doivent avoir une majoration de salaire de 25 % plus des primes. Ce n'est pas le cas de l'équipe de nuit de la Sovab qui travaille... 5 heures 52 minutes dans cette tranche horaire !
L'ambiance montait dans les ateliers : un groupe d'une cinquantaine d'intérimaires estimant qu'on ne les avait pas payés correctement se mirent en grève jusqu'à ce qu'un responsable de l'agence vienne sur place s'expliquer. Lundi 15 mai, la direction proposa une demi-heure de travail en moins, en commençant plus tard (à 21 heures), mais avec une perte de salaire de 350 F par mois. Refus net de l'ensemble de l'AG qui préférait revenir à l'ancien système de travail à temps partiel. Mardi soir, la grève reconductible fut votée par les 300 présents à l'AG de l'équipe de nuit, les grévistes se répandant dans les ateliers pour entraîner les autres.
Mercredi 17 mai, la direction observa le silence radio. Puis à la surprise générale, jeudi 18 mai, elle fit de nouvelles propositions : embauche de l'équipe de nuit une demi-heure plus tard tous les soirs avec récupération le vendredi en fin de poste (avec une nuit de 9 heures), les heures de nuit du vendredi étant majorées de 25 % plus des primes, entraînant une augmentation de plus de 400 F net par mois et 5 minutes de plus pour la pause repas.
Malgré la nuit de 9 heures à faire le vendredi, les propositions de la direction furent adoptées à l'unanimité moins une voix. Et c'est aux cris de " On a gagné " que les grévistes envahirent à nouveau les ateliers, ne reprenant le travail que deux heures plus tard.
Les heures de grève ne sont pas payées mais la perte de salaire sera comblée en deux mois par l'augmentation obtenue.
Certes tout n'a pas été obtenu. Pour les grévistes, des jeunes en général, c'était la première grève. Ce qui a surpris, c'est que la direction recule relativement facilement cette fois-ci, tout le monde ayant en mémoire la grève de l'an passé des équipes de jour où il avait fallu 10 jours de blocage total de l'usine pour que la direction accepte de laisser tomber les samedis obligatoires. Il est vrai que le mécontentement et l'exaspération étaient fortes dans l'équipe de nuit et que de nombreux jeunes ne restent pas longtemps dans cette équipe, la direction ayant déjà bien du mal à trouver du monde pour produire de nuit les utilitaires Renault. Et elle a plus de commandes de Master, Trafic et autres Mascott qu'elle n'arrive à en produire.
Ce recul de la direction est un encouragement pour les luttes à venir. Et il pourrait bien donner des idées à d'autres tant il est vrai que le mécontentement est général sur les salaires dans un groupe qui affiche sa richesse avec insolence.