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- Lutte ouvrière n°1663
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Leur société
Chômage : Plus d'emplois... mais aussi plus de précarité
Martine Aubry, Jospin et leurs acolytes du gouvernement et de la majorité plurielle ne cessent de multiplier les communiqués de victoire sur l'emploi. A qui veut bien l'entendre, la ministre du Travail répète sur tous les tons que les 430 000 emplois qui auraient été créés, d'avril 1999 à mars 2000, sont le résultat de la politique économique du gouvernement.
" C'est le meilleur chiffre enregistré depuis 45 ans. Le chiffre de 400 000 n'a été dépassé que deux fois " durant la même période, dit-elle. Le taux de chômage en France au cours des douze derniers mois a certes baissé. Il est passé de 11,7 % à 10,2 %, mais plafonne toujours au-dessus de la moyenne européenne (9,4 % en mars 2000, selon le Bureau international du travail-BIT). Il faut donc relativiser ces cris d'enthousiasme. Sans parler du taux de chômage dans les DOM-TOM qui frôle les 30 % (70 % chez les femmes).
Il y aurait d'ailleurs beaucoup à dire sur les critères retenus par l'Insee et le ministère du Travail pour calculer le nombre de chômeurs. Ce n'est pas la première fois qu'un gouvernement manipule les statistiques du chômage en fonction des effets d'annonce escomptés. La liste des tours de passe-passe utilisés depuis bientôt vingt ans est longue : des chômeurs rayés abusivement des listes aux chômeurs trop âgés tenus à l'écart de toute comptabilité. Sans compter tous ceux qui lassés par les longues files d'attente, voire démoralisés par les échecs répétés pour trouver du travail, allocataires du RMI ou non, abandonnent le pointage à l'ANPE. Autant d'exclus que les statistiques officielles n'enregistrent pas.
Mais même s'il y a plus de quatre cent mille emplois créés, comme l'affirme le gouvernement, il reste tout de même dans le pays plus de deux millions cinq cent mille chômeurs officiellement recensés ! Ce n'est pas rien. Car le problème du chômage, ce n'est pas seulement des statistiques, des courbes montantes ou descendantes, c'est surtout le drame humain des individus, mais aussi celui de leur entourage, avec ce que cela signifie de misère tant morale que matérielle. Les dernières annonces de suppressions d'emplois chez Michelin, Alstom, TotalFina devraient modérer les discours triomphalistes de Martine Aubry.
A en croire la ministre, cette " embellie " sur l'emploi serait la conséquence de l'application de la loi sur les 35 heures et de l'embauche de dizaines de milliers d'emplois-jeunes. Rappelons qu'à propos des 35 heures la supercherie consistait - et consiste toujours - à confondre emplois préservés et emplois créés (ce qui n'est pas la même chose). A propos des emplois-jeunes, Martine Aubry se garde bien de préciser que le gouvernement n'en aurait créé que 240 000 (chiffre qui demande confirmation), essentiellement dans le secteur public et dont il ne sait que faire lorsque leur contrat, au bout de cinq ans, arrivera à terme (on est loin en tout cas des 700 000 emplois-jeunes promis).
Ces emplois-jeunes confirment la précarité qui touche aujourd'hui le monde du travail. Car c'est bien cela le problème. Des emplois, il y en a peut être un peu plus que dans la dernière période. Mais quels emplois ? Pour quel salaire ? Et quelles conditions de travail ? Car on assiste, parallèlement à la création d'emplois, à une explosion de la précarité sous toutes ses formes et dans tous les secteurs de l'économie. Des vacataires de l'Education nationale aux contrats à durée déterminée dans l'industrie, au temps partiel imposé dans le commerce, à l'intérim dans l'automobile ou le bâtiment, la précarité touche de larges couches de la classe ouvrière. Le chômage diminue peut-être, mais la précarité des salariés, elle, explose avec pour corollaires des conditions de travail dégradées, une flexibilité des horaires accrue et des salaires en baisse continuelle. Au point que l'on peut désormais avoir un travail et ne pas dépasser le seuil de pauvreté, ne pas toucher plus ou guère plus que les minima sociaux.
Pour combattre radicalement ce fléau que représente le chômage, il faudrait commencer par créer des centaines de milliers d'emplois dans les services publics, là où ils manquent cruellement et en nombre, et des emplois stables et décents avec des salaires conséquents, seule façon de mettre un terme à la précarité et à la misère qui frappent la classe ouvrière. Mais cela suppose d'affronter le patronat et lui ôter les moyens de gérer l'économie à son gré, sans aucune entrave, avec les effets que l'on sait. Ce qui suppose une politique diamétralement opposée à celle que préconisent Aubry et consorts.