Renault - Le Mans : La justice de classe à l'oeuvre12/05/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/05/une-1661.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Renault - Le Mans : La justice de classe à l'oeuvre

Vendredi 5 mai, le tribunal de grande instance du Mans a rendu son jugement sur l'assignation en correctionnelle par la direction de l'usine de 46 ouvriers de Renault Le Mans pour " séquestration " de deux de ses cadres, à la suite du CHS (Comité Hygiène et Sécurité) mouvementé du 23 novembre 1999.

Ce jour-là, la grande majorité des travailleurs du département 85 en équipe du matin s'était mise en grève et avait interrompu le CHS du département pour réclamer l'annulation de la procédure de licenciement à l'encontre d'un travailleur hospitalisé et en proie à des difficultés personnelles ; grève relayée l'après-midi par des travailleurs venus d'autres secteurs de l'usine, et cela jusqu'à 18 heures.

Le lendemain, le directeur de l'usine avait osé insulter les grévistes en les traitant de " voyous, bandits et terroristes " et annoncé qu'il poursuivrait en justice 46 d'entre eux, syndiqués en quasi totalité à la CGT.

Malgré deux rassemblements de soutien de plusieurs milliers de personnes à l'appel de la CGT, les 7 janvier et 10 mars sous les marches du tribunal, la justice a choisi son camp : si onze travailleurs ont été relaxés au bénéfice du doute, trente-cinq sont reconnus coupables de séquestration de deux cadres.

Bien sûr, quelques bémols ont été mis, pour la forme, dans le jugement : la direction de Renault a été déboutée en tant que partie civile et le tribunal a déclaré que " la direction de l'usine avait fait le choix délibéré (étant au courant de la situation au département 85, dès le matin) de laisser les choses empirer jusqu'au point de " l'infraction pénale " et donc que les coupables étaient de ce fait dispensés de peine ". Par ailleurs, le tribunal condamnait les cadres à des dommages et intérêts envers les salariés relaxés.

Cela dit, la " justice " estimait que les deux cadres avaient bien été séquestrés et avaient subi un " préjudice " qu'elle estimait à 8 000 francs pour chacun d'entre eux, plus les frais de justice.

Ainsi donc, entre une direction d'entreprise qui fiche ses salariés, comme la presse s'en est fait l'écho, et qui licencie des travailleurs malades, et des ouvriers qui n'ont rien fait d'autre que de défendre l'un des leurs, la justice a une nouvelle fois tranché en faveur du patronat.

Cette condamnation est en partie la condamnation de principe que réclamait la direction de Renault Le Mans et elle s'est empressée de crier victoire dans un Média Le Mans diffusé par les chefs à l'équipe du soir, taisant le fait qu'elle-même avait été déboutée et que les cadres devaient verser des dommages aux ouvriers relaxés.

Du côté des travailleurs, c'est dans l'ensemble l'indignation qui prédomine devant cette décision de justice scandaleuse. L'un d'eux a d'ailleurs résumé les choses ainsi : " À l'avenir, il suffira d'aller demander des comptes à un chef dans son bureau pour risquer de se voir traîner au tribunal ". Un tract CGT pour dénoncer ce jugement a été diffusé vendredi 5 mai en fin d'après-midi pour informer les travailleurs de l'équipe du soir à l'usine et faire pièce à celui de la direction.

Les trente-cinq travailleurs ont bien entendu fait appel et il est sûr que, de toute façon, les choses ne peuvent pas en rester là.

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