Ni dieu, ni césar ni... Livingstone12/05/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/05/une-1661.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Ni dieu, ni césar ni... Livingstone

Sale coup pour Tony Blair que ces élections municipales qui ont concerné la semaine dernière 152 municipalités d'Angleterre (la moitié des électeurs du pays), dont Londres qui élisait un maire au suffrage direct pour la première fois.

Les résultats traduisent un net recul des travaillistes et la perte de près de 600 sièges de conseillers municipaux, au profit des conservateurs. Le leader de ces derniers, William Hague, a misé sur une campagne xénophobe contre le prétendu trop grand nombre d'immigrés et demandeurs d'asile. Ce qui n'empêche que c'est le gouvernement de Blair qui depuis trois ans a surenchéri sur la politique des conservateurs en réduisant encore le montant des aides sociales versées aux demandeurs d'asile.

De fait, comme déjà aux européennes de 1999, une bonne partie de l'électorat populaire et ouvrier a sanctionné la politique du gouvernement travailliste en snobant les urnes. L'abstention a été massive : deux tiers des électeurs ne sont pas allés voter. C'est certainement l'expression du dégoût qui domine dans les milieux populaires et certains bastions travaillistes pour la politique brutalement anti-ouvrière de Blair et ses comparses du " New Labour ". Au terme de trois ans de pouvoir, les riches sont plus riches, les pauvres sont plus pauvres et entre juin 1998 et mai 2000, 147 000 emplois industriels ont été supprimés. Sans que les directions syndicales dont Blair s'est acquis la complicité offrent de perspective générale de riposte.

Le plus anecdotique dans ces élections - mais pas le moins important pour Tony Blair - a sans doute été l'élection au poste de maire de Londres de son " ennemi intime " : Ken Livingstone.

Tony Blair a tout fait pour que le candidat du parti soit Frank Dobson, ancien ministre de la santé et bon représentant de la ligne du " New Labour " depuis sa " refondation ". Jusqu'à manipuler le mode de scrutin : pour ces primaires, la voix d'un député a pesé mille fois plus que celle d'un simple adhérent. Dobson a gagné avec 24 000 voix, tandis que Livingstone perdait avec... 88 000 voix !

Résultat : Livingstone s'est présenté en " indépendant " aux élections municipales, ce qui lui a valu l'exclusion du Parti travailliste. Et il a remporté la victoire, avec près de 50 % des suffrages exprimés, contre 14 % pour le candidat officiel du Parti travailliste qui n'arrive qu'en troisième position. De nombreux électeurs londoniens ont voté Livingstone pour défier Blair, dont certains électeurs conservateurs et une partie de la petite bourgeoisie londonienne.

Le radicalisme du nouveau maire de Londres est surtout verbal et c'est avant tout un opportuniste ambitieux. Certes, il a gagné quelque popularité quand il s'est trouvé à la tête de la municipalité londonienne de 1981 à 1985 et a baissé de 32 % le prix des transports en commun. A l'époque d'ailleurs, il n'a pas cherché à prendre la tête de la fronde contre la politique conservatrice commencée dans certaines municipalités de grandes villes ouvrières.

Livingstone a ensuite entretenu cette image d'anticonformiste volontiers provocateur. Pendant la campagne, il a ainsi déclaré que " la mondialisation avait fait autant de morts que le nazisme "... Mais sur le fond, son programme s'adresse aux Londoniens et de préférence aux hommes d'affaires de la City, à qui il jure de maintenir Londres au premier rang des places financières d'Europe. Il affirme qu'aujourd'hui, rien n'est mieux que l'économie de marché. Il se prononce en faveur de l'Euro. Il se déclare opposé à la privatisation du métro, mais propose pour le financer un genre de bons du Trésor émis par la municipalité. En d'autres mots, au lieu de payer des dividendes aux actionnaires, les usagers devraient payer des intérêts aux acquéreurs de ces bons. A noter d'ailleurs que s'il s'est présenté contre le candidat officiel du Labour au poste de maire, il s'est bien gardé de constituer une liste de candidats rivale pour l'Assemblée londonienne (le Conseil municipal), l'élection du Maire et celle de l'Assemblée étant deux votes séparés. Livingstone à peine élu a fait un appel du pied au Labour en demandant sa réintégration, en lui assurant le poste de " vice-maire " et en " souhaitant participer aux efforts pour que Tony Blair soit réélu à un second mandat " aux prochaines législatives.

Il est peu probable que Livingstone fasse illusion dans les milieux populaires et ouvriers qui subissent de plein fouet la politique patronale et gouvernementale. L'électorat populaire ne s'est pas davantage déplacé pour lui que pour d'autres. Et il n'y aurait probablement pas grand chose à discuter de ces péripéties électorales londoniennes si la presque totalité des organisations d'extrême gauche d'outre-Manche, de la section anglaise de la IVO Internationale au SWP, en passant par le courant Militant Labour et quelques autres (nos camarades de Workers'Fight mis à part), n'avait jugé bon de passer alliance, dans une belle unité... pour exhorter Livingstone à prendre la tête d'une opposition ouvrière de gauche à Blair. Faute d'avoir obtenu de lui qu'il présente une liste de candidats à l'assemblée londonienne, concurrente de celle du Parti travailliste, l'alliance des groupes d'extrême gauche a présenté ses candidats à l'assemblée (où ils ont recueilli quelque 2 % à 3 % des voix) tout en appelant à voter Livingstone pour le poste de maire.

Si en Angleterre comme en France, face aux sales coups des patrons et des gouvernants à leur service, il est vital que la classe ouvrière qui est loin d'avoir perdu toutes ses forces se forge une direction pour ses luttes, ce n'est certainement pas l'y aider que d'accorder le moindre crédit à un politicien comme Livingstone.

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