Michelin : Il dégomme des emplois pour gonfler ses profits !12/05/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/05/une-1661.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Michelin : Il dégomme des emplois pour gonfler ses profits !

Annoncé en septembre 1999, le neuvième plan "social" prévoit, sur trois ans, la suppression de 7500 emplois sur les usines Michelin d'Europe, dont 1880 emplois en moins en France, dont plus d'un millier à Clermont-Ferrand. Les autres centres touchés sont Joué-les-Tours (450 en moins), Toul et Troyes.

UNE RÉORGANISATION SUR LE DOS DES TRAVAILLEURS

"Etre compétitif et résister à la concurrence, pour satisfaire le client ", voilà le refrain de la direction pour justifier la suppression massive d'emplois, l'augmentation de la productivité, donc plus de profits pour quelques gros actionnaires.

En effet, le chiffre d'affaires sur les trois premiers mois de cette année vient d'augmenter de 14,8 %. Les ventes, elles, ont augmenté de 11 % en moyenne, mais de 12,5 % aux États-Unis et de 18 % en Amérique du Sud. Par contre les salaires sont quasiment bloqués. La générosité de Michelin se limite à une prime de 1 % du salaire annuel, mais qui sera versée une seule fois au mois de mai.

Dans les ateliers, on est averti qu'il faudra "contribuer à la baisse des coûts de production ". Cela veut dire, pour la direction, augmenter la production de 20% sur trois ans. Bonjour les horaires flexibles, l'annualisation du temps de travail et l'intensité des cadences ! Par exemple, à Clermont-Ferrand, aux Gravanches, plus de 300 ouvriers et techniciens ont le " privilège " d'y goûter un peu plus tôt que les autres.

Le site des Gravanches est composé de deux usines: la SMTG et la SODG qui, bien que filiales à 100 % de Michelin, n'étaient pas jusque-là juridiquement comme le reste des usines, ce qui permettait des salaires et des horaires différents. La SMTG, équipée de machines très modernes, produisait plus de 6 000 pneus par jour, alors que les effectifs étaient à peine de 400. Mais cela aussi a baissé continuellement, passant à 300 puis à 220. La presse a repris sans la moindre critique l'annonce de la direction qui a prétendu, fin mars, ouvrir une nouvelle unité avec une machine encore plus perfectionnée, le procédé C3M et pour produire aussi des pneus haut de gamme, pour la Formule 1 dans laquelle Michelin veut se relancer.

En réalité, la SMTG va fermer! Le personnel va être muté dans diverses usines, sur Clermont en principe, tandis que les travailleurs de la SODG, environ 130 personnes, vont être transférés dans les bâtiments laissés vacants par la SMTG. Quant aux horaires, il y a comme partout aggravation. Jusqu'ici, on travaillait du lundi au samedi, soit environ 300 jours par an. L'objectif annoncé par la direction, dans le cadre du passage aux 35 heures, est de faire tourner l'usine 330 jours " flexibles par an. Cela signifie, d'une part, des semaines de longueur variable, et d'autre part, au moins 25 dimanches travaillés par an.

En ce qui concerne les 35 heures, la direction ne compte que les heures effectives, éliminant les temps de pause et de repas. Elle considère que l'on ne travaille déjà que 35,8 heures par semaine.

Des mutations incessantes

Michelin utilise de plus en plus des transferts complexes qui ressemblent à un jeu de yo-yo imposé à des milliers de travailleurs. Il supprime de plus en plus de sites, reconcentre et spécialise les unités Ainsi, à Joué-les-Tours, il y aura 450 emplois en moins. De 1500 salariés il 'y a quelques années, l'effectif est tombé à 900. De même à Toul qui, théoriquement, augmentera de 240 et diminuera de 200. De même encore à Clermont avec 1020 postes en moins, mais 200 en plus provenant de Toul, ainsi que 150 en plus dans les services commerciaux, tandis que des dizaines de ces centres commerciaux vont fermer à travers le pays. Et toujours à Clermont, il y aura 590 postes en moins dans les services administratifs, mais une centaine en plus dans les services techniques. 800 en moins dans les ateliers, mais 50 en plus dans des postes spécialisés!

Des licenciements déguisés

Derrière tous ces chiffres, ces additions et soustractions, il y a des travailleurs avec leur vie de famille qui devront accepter ces changements, sinon ce sera pratiquement le licenciement et le chômage.

Michelin a beau répéter qu'il n'y aura pas de licenciements, il ment. Depuis fin février, l'usine Wolber à Soissons, filiale 100 Michelin, est fermée définitivement. On sait bien que les 450 salariés n'ont pas tous retrouvé un emploi.

Dans le secteur des emplois commerciaux, les représentants, la valse est permanente et une centaine risquent de se retrouver sans travail.

La direction avoue que, quelle que soit la catégorie des salariés, il y aura des cas " de non reclassement interne ", en clair, des licenciements, qu'elle appelle diplomatiquement "reclassement externe ". Un service avec quelques conseillers cherchera à convaincre celui qu'on met dehors qu'il peut utiliser ses indemnités de départ pour " créer son entreprise ".

Supprimer plus d'un millier d'emplois dans la même ville aura aussi des conséquences sur les transports, les garages, les commerces, etc.; et donc risque de multiplier les causes de chômage.

Gouvernement, complice de Michelin

Martine Aubry, la ministre du Travail, a promulgué début février un décret pleinement favorable aux patrons, concernant la cessation anticipée d'activité, liée en même temps à l'application des 35 heures, censée entraîner des emplois nouveaux, le tout dans le cadre de négociations avec les syndicats.

Pouvoir partir un peu avant les 60 ans est évidemment le souhait des ouvriers qui sont depuis longtemps à un poste pénible et il est évidemment normal qu'ils saisissent l'occasion. Mais les patrons de leur côté ne laissent cette possibilité que parce que l'Etat s'engage une fois de plus à verser aux patrons un soutien financier important pour régler ces départs. C'est le système FNE revu et corrigé, mais cela fera quand même 50 % o à la charge de l' Etat.

C'est pourquoi Michelin fait maintenant campagne pour les 35 heures auxquelles il s'était bruyamment opposé jusque-là, déclarant que ce serait " catastrophique ".

Martine Aubry a promis, quand les 35 heures seront signées par des syndicats, que les patrons toucheront en plus 8 500 F d'aide sur un an, pour chaque salarié payé environ 10 000 F brut par mois. Dans le cas de Michelin, cela veut dire qu'il touchera huit fois plus d'aide que le montant de la prime de 1 % du mois de mai.

Selon Odile Saugues, députée socialiste à Clermont, qui se vante de son amendement incitant les patrons à discuter, le ton de Michelin aurait changé et son acceptation des 35 heures aurait " une influence bénéfique sur l'emploi " ! Il faut vraiment être à côté de la plaque pour dire cela, alors que Michelin lui même annonce la suppression de 1880 emplois rien qu'en France.

Les grandes manoeuvres commencent

Michelin a donc besoin de l'accord des syndicats pour obtenir tout cet argent de l'Etat. Or pour le moment, il n'est pas dit, dans les conditions actuelles, quels acceptent de signer, notamment la CGT C'est qu'il y a du mécontentement chez les travailleurs.

En effet Michelin prétend que les ouvriers qui sont en équipe en 3x8 font déjà les 35 heures, en leur retirant des heures où ils sont pourtant présents dans les ateliers.

Les équipes en 2x4 font, elles, près de 38 heures et se verront attribuer des jours de congés supplémentaires. Mais cela va se traduire aussi par des changements d'horaires, avec le travail le samedi et même le dimanche, alors que beaucoup de travailleurs espéraient avoir presque tous leurs samedis et dimanches libres.

Quand un Michelin accepte de négocier avec des syndicats, c'est pour obtenir que ceux-ci acceptent de cautionner toute l'opération. Alors, il met le paquet en renforçant sa propagande incessante: réunions multiples dans les bureaux et les ateliers, avec arrêt de travail pendant des heures s'il le faut pour convaincre le personnel de tout accepter: horaires flexibles, travail de nuit, et de plus en plus de samedis travaillés. Pour faire avaler tout cela, il fait miroiter un formidable cadeau; trois jours de congés à chacun sur l'année. Il est question aussi d'un référendum pour demander à tous d'augmenter la productivité de 10 %, avec comme seule contrepartie la possibilité pour ceux qui ont 57-58 ans de s'en aller tout de suite. II s'apprête à confirmer tous ces éléments au Comité Central d'Entreprise du 12 mai.

Voilà la politique d'un patron milliardaire qui se vante d'être l'un des tout premiers fabricants mondiaux de pneumatiques et qui est soutenu par un gouvernement dit " de gauche " !

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