SNCM Marseille : Chantages aux pavillons de complaisance05/05/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/05/une-1660.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

SNCM Marseille : Chantages aux pavillons de complaisance

A l'appel de tous les syndicats sauf la CGC, les marins et les sédentaires de la SNCM (Société Nationale Corse-Méditerranée) et de la CMN (Compagnie Méridionale de Navigation) ont fait grève vendredi 28 avril, les marins eux étaient en grève dès la veille au soir.

Il s'agissait d'intervenir à l'occasion de la réunion de l'Assemblée de Corse qui devait décider de l'avenir des liaisons maritimes entre la Corse et le continent.

Grève des marins et des sédentaires

La grève a été très suivie, tant sur les bateaux que dans les agences. A l'atelier à Marseille tous ont fait grève. Le vendredi matin, un piquet de près de 160 personnes se tenait devant l'entrée du siège de l'agence de Marseille.

Le jeudi soir des sédentaires étaient partis à bord du Casanova avec les marins pour manifester à Ajaccio. Il y retrouvaient ceux du Bonaparte et du Monte Cinto. Après une assemblée générale sur le Bonaparte tous allèrent manifester devant l'Assemblée de Corse où ils étaient rejoints par les marins et les sédentaires venus de Bastia. A l'Assemblée les trois élus du PC votèrent contre le projet, ceux du PS s'abstenaient excepté l'un d'eux qui votait pour. Il fut pris à partie par le secrétaire du syndicat CGT des marins. Le projet fut donc voté à une grande majorité.

Les armateurs choyés par l'Assemblée de Corse...

Les relations entre la Corse et le continent sont subventionnées par l'Etat et tout le problème était de savoir qui bénéficierait de ces subventions, et en échange de quels services. Jusqu'à présent, c'était la SNCM et la CMN qui étaient tenues d'assurer des relations fréquentes en basse comme en haute saison, y compris avec des ports de faible importance.

L'Assemblée de Corse a décidé de distinguer un " service de base " des " services complémentaires ". Le service de base concernerait, mais cela reste à préciser, le trafic d'hiver, de fret en particulier, entre Marseille et la Corse. Il sera attribué sur la base d'un appel d'offres dont le bénéficiaire touchera une subvention globale. Les services complémentaires, c'est-à-dire les traversées durant les vacances scolaires, au départ de Nice, de Toulon ou de Marseille, pourraient être assurés par n'importe quelles compagnies, à condition qu'elles respectent un cahier des charges. Ces compagnies toucheraient une subvention établie par personne transportée.

Les syndicats expliquent que, de cette façon, les lignes peu rentables mais indispensables, durant la période hivernale en particulier, reviendraient à la SNCM, alors que les lignes très fructueuses et très fréquentées, les lignes à grande vitesse fonctionnant durant l'été et les vacances scolaires, pourraient être attribuées à d'autres compagnies qui y trouveraient un bon rapport assorti d'aides de l'Etat, sans avoir les charges du service public.

Le résultat prévisible serait donc la course à la rentabilité - au détriment des habitants de l'île et des équipages - avec des équipages réduits, éventuellement sous pavillon de complaisance, et des navires moins entretenus.

La SNCM, 2 488 travailleurs actuellement, perdrait du trafic, et on pourrait craindre des menaces sur 700 emplois selon l'évaluation des syndicats.

... et par l'Etat

La publication d'un rapport commandé par le ministre des transports PCF, Jean- Claude Gayssot, suscite des inquiétudes complémentaires. Ce rapport catastrophiste proclame que la marine marchande française est vouée à la disparition pure et simple s'il n'y a pas la recherche d'un consensus entre les syndicats et les armateurs. Gayssot présenterait ce rapport par ces mots : "...Je souhaite que les mesures proposées favorisent l'emploi des marins français tout en conservant la souplesse nécessaire à une meilleure compétitivité des navires confrontés à la concurrence internationale. " Le rapport préconise plus d'aides de l'Etat aux armateurs. Pour qu'ils aient moins de charges sociales à payer, leurs navires pourraient arborer désormais un pavillon de complaisance, celui des Kerguelen. Ces possessions françaises, les TAAF (Terres Australes et Antarctiques Françaises), ne sont pas soumises à la même législation, ni sur les règles d'embauche, ni sur la sécurité des bâtiments, ni sur la fiscalité. Ainsi les chargés de mission du ministre menacent-ils : s'il n'y a pas plus de souplesse de la part des personnels, si on n'arrive pas à plus de partenariat entre les syndicats et les armateurs, l'Etat ferait passer les navires soumis à la concurrence internationale soit sous pavillon des Kerguelen, soit sous celui de Wallis et Futuna qui joue le même rôle pour les paquebots.

Mais la lutte ne fait que commencer

Il y a sans doute beaucoup d'intoxication dans tout cela pour faire pression sur les travailleurs. Ce qui est sûr, c'est que l'Assemblée de Corse comme le ministre veulent faire des cadeaux aux armateurs privés.

Les travailleurs, marins et sédentaires, ont le sentiment de naviguer en plein brouillard quant à leur avenir. Leurs problèmes en fait sont identiques, ils ont affaire à la même direction, au même ministère de tutelle. Ils peuvent exiger le maintien du service public nécessaire, s'opposer à la dégradation de leurs conditions de travail et exiger un salaire correct. Mais ce ne sera possible qu'en se battant ensemble, marins et sédentaires, SNCM et CMN.

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