Quand la justice gronde un patron...05/05/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/05/une-1660.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Quand la justice gronde un patron...

Le patron de Matra et Hachette, Lagardère, vient de faire un bref passage devant un tribunal correctionnel pour " abus de biens sociaux ". Pourtant il se targue de n'avoir ni action ni stock-options qui ont fait la Une de l'actualité ces derniers temps.

Il n'a pas usé de ce juteux mode de rémunération qui consiste à attribuer aux dirigeants d'une entreprise ainsi qu'à quelques très hauts cadres un paquet d'actions à un tarif préférentiel. Lagardère a en effet opté, entre 1988 et 1992, pour un système plus ingénieux. Il a créé une société dénommée Arjil-groupe, qu'il détenait pour 82 % et son fils pour le reste, destinée officiellement à payer une douzaine de hauts cadres du groupe.

Pour ce faire, cette " structure de management " (ils ne sont pas avares de mots ronflants pour masquer une pompe à fric) prélevait une redevance annuelle fixée avec Matra et Hachette à 0, 2 % de leur chiffre d'affaires. D'une part Lagardère était assuré de ses gains, quels que soient les bénéfices ou les pertes des sociétés. D'autre part les 353 millions de francs qu'Arjil-groupe a reçus entre 1989 et 1992, laissaient, une fois payés les salaires aux hauts cadres de Matra et Hachette, une belle cagnotte de 55,4 millions après impôts aux seuls Lagardère dont le père, à l'époque, touchait en plus à titre de salaires environ 6 millions de francs par an. Sans compter d'autres tours de passe-passe ordinaires dans ce milieu, comme diminuer les bénéfices déclarés d'Arjil en y incorporant les pertes de la société qui gère les haras de Lagardère, ce qui lui permit de réduire son impôt sur la fortune.

Mais selon deux anciens présidents de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (dont le rapport fut rémunéré par les avocats de Lagardère !), tout cela est normal. Et à l'audience, le procureur a déclaré : " Il ne m'apparaît pas qu'une peine d'emprisonnement soit appropriée. Une amende est mieux justifiée. Elle est au maximum de 2,5 millions de francs. Compte tenu des responsabilités diluées mais aussi de la capacité contributive de Jean-Luc Lagardère, je demande 1,5 million. " On ne va pas chercher noises à un patron qui, selon son avocat, non seulement " permet à la France d'occuper dans la défense une place considérable et de suivre le pas de la mondialisation, mais il sauve le livre et maintient la liberté d'opinion et d'expression " !

Un " honnête homme " en somme, dit son avocat. A ne pas confondre avec un vulgaire voleur de CD !

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