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- Lutte ouvrière n°1660
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Editorial
Pour le droit de vote aux travailleurs immigrés
Suite à une proposition de loi déposée par les Verts, l'Assemblée nationale est amenée à discuter du droit de vote des " résidents étrangers ". Rien de concret ne sortira de ce débat car, non seulement la droite y est hostile, mais le Parti Socialiste, Jospin en tête, considère que " le moment n'est pas opportun ".
La proposition de loi est pourtant très timide. Il s'agit d'autoriser tous les " résidents étrangers " à voter aux élections municipales, droit dont disposent déjà en principe ceux qui sont originaires de l'Union européenne. De surcroît, le PS a fortement amendé le texte d'origine, ne proposant que le seul droit de voter et, le cas échéant, d'être élu comme conseiller municipal mais pas d'être maire ni même adjoint.
La majorité de ces " résidents étrangers " vivent et travaillent en France depuis des années, parfois des décennies. Ils constituent une part importante du monde du travail, de ceux qui, des chaînes de production des entreprises industrielles au bâtiment, produisent, construisent, créent les richesses pour tout le monde, y compris pour tous les parasites qui s'enrichissent sans rien faire. Les écarter des élections, ce n'est pas seulement indigne à leur égard, c'est aussi diminuer la représentation électorale de la classe ouvrière, en particulier de ses catégories les plus exploitées. La moindre des choses serait que les travailleurs immigrés puissent participer à tous les aspects de la vie politique, sociale et associative, et qu'ils aient le droit de voter et d'être élus dans toutes les élections.
Le droit de vote des étrangers était une des 110 propositions du candidat Mitterrand il y a vingt ans. Une de ces promesses que le Parti Socialiste a faites pour les oublier une fois au pouvoir.
Il ne s'agit pourtant pas d'une proposition radicale. Dans plusieurs pays européens, les résidents étrangers ont le droit de vote, au moins aux municipales. Une fois de plus, la France sera un des derniers pays à appliquer un droit démocratique élémentaire. Mais, rappelons-le, il en a déjà été ainsi avec le droit de vote des femmes qui n'a été effectif en France qu'en 1945 après la Turquie, par exemple, pourtant pas un modèle en matière de droits démocratiques. Signe de la couardise de la gauche parlementaire : le Front populaire n'avait pas osé accorder, en 1936, le droit de vote aux femmes, il fallut attendre neuf ans de plus et le général réactionnaire de Gaulle.
Les parlementaires ergotent sur le droit d'un travailleur maghrébin, africain ou turc à voter dans une simple élection municipale. Aucun de ces messieurs ne voit d'inconvénient à ce que des fonds de pension anglais ou américains ou des investisseurs japonais s'achètent des entreprises entières et en disposent à leur guise, et qu'un capitaliste, quelle que soit sa nationalité, ait le droit de supprimer des emplois, de fermer des usines entières, c'est-à-dire de peser sur la vie de ce pays avec infiniment plus de poids qu'avec un simple bulletin de vote.
Le magnat capitaliste italien Berlusconi n'avait pas une carte d'électeur lorsqu'il s'est acheté une chaîne de télévision en France et le droit d'influencer l'opinion de centaines de milliers d'électeurs !
Alors, bien sûr, nous devons être pour que les travailleurs immigrés aient le droit de voter et d'être éligibles.
Mais que tous ces gens qui marchandent aux travailleurs immigrés un droit démocratique aussi élémentaire se méfient ! Les travailleurs immigrés, en tant que partie intégrante de la classe ouvrière, ont des moyens de peser sur la vie politique avec bien plus d'efficacité que dans les urnes. Lorsque les travailleurs se mettront à agir par leurs moyens de classe, par les grèves, par les manifestations, par l'action collective, pour se défendre contre la dégradation de leurs conditions d'existence, contre le chômage, la précarité et les bas salaires, il importera peu de savoir si ceux qui agissent ont une carte d'identité ou pas et s'ils peuvent voter ou non aux prochaines élections municipales.
Les minables marchandages en coulisses de l'Assemblée nationale ou les débats aussi hypocrites que réactionnaires seront alors ramenés à leurs justes proportions.