Irak : Non aux sanctions économiques contre la population05/05/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/05/une-1660.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Irak : Non aux sanctions économiques contre la population

De retour d'une mission d'évaluation à Bagdad, trois médecins français viennent de dresser le bilan du système de santé irakien. Celui-ci s'est effondré suite à l'embargo imposé à l'Irak, par les Nations Unies, depuis plus de neuf ans. Voulu par les grandes puissances impérialistes, l'embargo a des conséquences dramatiques pour la population irakienne.

Chef du service de cardiologie de Saint-Antoine à Paris, le professeur Jean Bardet reconnaît que l'embargo " provoque la détérioration des conditions économiques et sociales de l'Irak, sa glissade vers les bas-fonds ". Un autre membre de la mission précise qu'il s'agit d'une véritable " entreprise d'étouffement et de massacre d'une population ". On assiste en Irak à " la résurgence de maladies qui avaient disparu, comme la tuberculose ". Selon lui, " la médecine irakienne a désormais du mal à prendre en charge les maladies les plus courantes, faute de médicaments de première nécessité ".

Des sanctions qui tuent

Peu suspects de sympathies envers le régime irakien (l'un d'entre eux est d'ailleurs député RPR du Val-d'Oise), ces médecins français n'ont fait que constater la complète déliquescence de l'état sanitaire du pays. Exerçant dans un service de pédiatrie d'un hôpital au centre de Bagdad, un médecin irakien témoigne des difficultés quotidiennes rencontrées : " Nous avons besoin d'antibiotiques, d'oxygène, de sang. Dans les chambres, il n'y a pas assez d'isolation et les virus se transmettent à vitesse grand V. Les infections se greffent sur la malnutrition ".

Les hôpitaux des quartiers populaires connaissent une situation encore plus déplorable : matelas de lits déchirés, équipements hors d'usage, absence de médicaments de toute première nécessité. Aussi la population déserte-elle les services de maternité ou de pédiatrie. La mortalité infantile a enregistré une progression spectaculaire, passant de 56 à 131 pour 1 000, en moins de dix ans.

Même situation catastrophique dans l'Éducation. Le système d'enseignement gouvernemental qui, avant le début des sanctions, couvrait tout le territoire est démantelé. 30 % des enfants ont abandonné l'école. Ceux qui ont la chance d'être scolarisés s'entassent à cinquante par classe, bien souvent à même le sol, sans matériel. Aujourd'hui, 66 % des enfants sont analphabètes, contre 19 % à la fin des années 1980. Des chiffres qui se passent de commentaires.

Au total, l'embargo a déjà provoqué plus d'un million et demi de victimes, parmi lesquelles une grande majorité d'enfants. Il était censé mettre à genoux le régime irakien. Or, dix ans après, celui-ci est toujours là. En revanche, la population irakienne subit de plein fouet, elle, les effets des sanctions économiques et survit dans une misère effroyable.

Un retour en arrière sans précédent

Ainsi après deux guerres (contre l'Iran d'abord, le Koweït ensuite) et neuf ans de sanctions économiques, l'Irak a considérablement régressé. C'est toute l'économie, toute la société qui a fait un formidable bond en arrière. Les infrastructures sont exsangues. Le système de transport s'est effondré. Les services bancaires et postaux ne fonctionnent plus, tout comme les services de Santé et d'Éducation. Le gouvernement peine à faire redémarrer les usines bombardées. Les villes détruites offrent le visage de ruines où survivent des citadins paupérisés, privés d'eau potable et d'électricité plusieurs fois par jour. Pour la seule agglomération de Bagdad, cinq à six millions de personnes ne disposent même pas du minimum vital. Aux bombardements des avions américains et anglais sur les villes d'Irak (qui continuent encore aujourd'hui, avec une intensité variable) s'ajoute le fléau de la sécheresse qui menace d'étrangler une nouvelle fois la paysannerie pauvre des campagnes. Tel est le résultat du blocus impérialiste contre l'Irak.

Le programme " pétrole contre nourriture ", en vigueur depuis 1996, qui régit les échanges entre l'Irak et le reste du monde, a permis de desserrer en partie l'étau du blocus. L'Irak a pu exporter quelques milliards de dollars de pétrole et acquérir médicaments et nourriture en contrepartie. Concession de l'impérialisme, ces échanges demeurent cependant notoirement insuffisants. Selon les hauts fonctionnaires de l'ONU eux-mêmes, cela ne couvre même pas les besoins humanitaires immédiats les plus élémentaires du peuple irakien.

Les deux responsables successifs de ce programme humanitaire ont démissionné de leurs fonctions, car, ont-ils dit, les conditions d'application du programme s'effectuaient au détriment de la population. Justifiant son geste, l'un d'eux, Denis Halliday, a rappelé récemment dans la presse que " les frappes militaires, les sanctions, l'isolement n'ont abouti à aucun changement positif. Les sanctions se sont révélées un dispositif brutal et inhumain " contre les populations civiles. Elles ont contribué au renforcement du régime de Saddam Hussein.

Mais de cela, les grandes puissances impérialistes n'ont cure. Car ce qu'elles reprochent au dictateur irakien, ce n'est pas tant sa dictature, la répression féroce qu'il exerce contre les Kurdes et les Chiites irakiens, que de leur avoir désobéi, voilà bientôt dix ans, en attaquant le Koweït. Et cela, elles cherchent à le lui faire payer d'une façon ou d'une autre, quitte à affamer tout un peuple.

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