La découverte sur une plage des Bahamas de 300 Haïtiens dans un état proche de la mort est venue rappeler que tous les boat people qui sillonnent la mer des Caraïbes ne viennent pas de Cuba.

Repérés sur un îlot inhabité, ces naufragés ont finalement été secourus vendredi 28 avril par les gardes-côtes américains et des navires des Bahamas. Ils mouraient de faim, de soif, quatorze d'entre eux avaient péri en mer. Comme des milliers d'Haïtiens, ils tentaient de fuir la misère et l'insécurité qui règnent dans ce pays, l'un des plus pauvres du monde où le revenu moyen est de 7 francs par jour et où plus de 60% de la population est au chômage. Et encore ce sont là des chiffres officiels certainement inférieurs à la réalité.

Chaque année, de nombreuses familles haïtiennes s'embarquent sur des navires de fortune pour essayer de gagner les côtes de la Floride. Beaucoup meurent noyées, et il n'y a personne pour raconter ce qu'elles ont vécu. Mais même pour ceux qui ne se perdent pas en mer ou ne font pas naufrage, le voyage sur ces frêles embarcations ne va souvent pas plus loin que les îlots des Bahamas, qui parsèment la route vers les côtes américaines. Pour certains, ce sont les passeurs auxquels ils ont payé une petite fortune qui les y abandonnent sur des plages désertes, en leur disant qu'ils sont arrivés aux Etats-Unis. C'est ainsi que 30 000 Haïtiens vivent aux Bahamas, par ailleurs paradis des touristes et des capitaux en mal d'évasion.Pour la plupart sans papiers, ils constituent un dixième de la population de ce petit pays.

Des Bahamas, l'espoir est bien maigre de continuer le voyage. Dans le détroit de Floride, les gardes-côtes américains veillent, refoulant impitoyablement ceux qui tentent de passer. A la différence des réfugiés cubains que les Etats-Unis accueillent pour des raisons politiques, les Haïtiens sont renvoyés sans ménagement dans leur pays. C'est ce qui va arriver aux rescapés de cette aventure, comme aux 122 autres réfugiés retrouvés le 26 avril sur une autre île, Imagua.

Tout cela est d'autant plus révoltant que les États-Unis sont parmi les principaux responsables de la misère qui règne en Haïti. Les trusts américains, depuis des décennies, ont exploité sans vergogne les travailleurs des zones industrielles des villes haïtiennes. Ils en ont pillé les richesses, prenant le relais de ce qu'avait fait avant eux l'impérialisme français. De tout temps la seule préoccupation de l'Etat américain a été que cette misère ne débouche pas sur une exposion sociale. Pour cela il a soutenu pendant des années la dictature sanglante des Duvallier, et aujourd'hui il en fait de même avec les cliques corrompues qui lui ont succédé. Pour l'impérialisme américain, qu'importe que les Haïtiens meurent, en mer ou à Haïti même. Il lui suffit que ses profits soient préservés, et que toute cette misère ne viennent pas s'exporter sur son propre territoire.