Espagne : Congrès des Commissions ouvrières - changement dans la continuité05/05/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/05/une-1660.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Espagne : Congrès des Commissions ouvrières - changement dans la continuité

Du mercredi 12 au samedi 15 avril s'est tenu le 7e congrès des Commissions ouvrières, le syndicat majoritaire des travailleurs espagnols, où a été élu un nouveau secrétaire général, José Maria Fidalgo.

Au moment de leur fondation dans les années soixante, pendant la dictature franquiste, les Commissions ouvrières étaient liées au Parti Communiste Espagnol (PCE). Depuis la fin des années quatre-vingt, le PCE a perdu son influence sur la direction de cette centrale syndicale, notamment depuis l'arrivée d'Antonio Gutierrez au poste de secrétaire général en remplacement du dirigeant historique Marcelino Camacho.

Gutierrez a lâché le PCE. Ses positions peuvent s'inscrire dans la ligne des " rénovateurs ", c'est-à-dire prônant " l'indépendance syndicale " en opposition au contrôle du syndicat par le parti. Aujourd'hui, des militants du PCE font partie d'un courant critique qui tente de disputer le contrôle de l'appareil de la centrale.

L'objectif de ce congrès était précisément de remplacer Antonio Gutierrez, qui dirigeait depuis douze ans la centrale. La majorité qui contrôle la centrale syndicale s'est mise d'accord sur la personne de José Maria Fidalgo.

L'image donnée par les Commissions ouvrières au moment de l'ouverture du congrès a reflété l'orientation actuelle qui est celle de la " paix sociale ", mise en pratique par ce syndicat au cours des dernières années. On comptait parmi les invités les ministres successifs du Travail, du Parti Populaire d'Aznar, le parti de droite actuellement au gouvernement, amplement applaudis par les délégués présents, mais aussi le président du patronat et des représentants de l'Eglise, présents à ce congrès...

Parmi les orateurs qui ont pris la parole à la tribune, l'actuel ministre du Travail, Juan Carlos Aparicio, a pu intervenir pour chanter les louanges du dialogue social. Sachant recevoir, Antonio Gutierrez n'a pas mis en doute les prétendus succès du Parti Populaire, dus, selon lui, à la bonne conjoncture économique et à la politique juste du gouvernement d'Aznar.

Si les Commissions ouvrières ont changé de dirigeant, il n'y a vraiment rien pour indiquer que la centrale va changer de politique. Le nouveau secrétaire général, José Maria Fidalgo, qualifié par les autres membres de la centrale comme une personnalité " du secteur le plus à droite ", a été un membre dévoué de l'équipe d'Antonio Gutierrez. Quand il était à la tête du secrétariat chargé des relations avec les institutions politiques, il a été, parmi les principaux dirigeants, de ceux ayant donné leur impulsion à la concertation avec le gouvernement Aznar et les patrons.

Une politique de pacte avec le gouvernement et le patronat

En 1997, les Commissions ouvrières, en commun avec l'UGT (l'Union générale des travailleurs, l'autre centrale de tendance socialiste) et les instances gouvernementales, se sont mises d'accord avec les patrons pour une nouvelle réforme du droit du Travail. Celle-ci, aujourd'hui en vigueur, a permis aux patrons d'augmenter le nombre des causes possibles de licenciement et de payer des indemnités à moindre coût. Dans les cas dits de " chômage objectif ", pour motifs économiques, de production, ou d'organisation de la production, l'indemnisation a en effet été réduite, de 45 jours par année travaillée à seulement 20 jours !

La réforme a introduit un nouveau type de contrat à durée indéterminée qui, de même, réduit substantiellement l'indemnité en cas de licenciement. La justification donnée par les syndicats à ce changement était que cela allait permettre de réduire le travail temporaire. Il est significatif que le ministre du Travail du Parti Populaire ait lui-même reconnu que la réforme préparée par le gouvernement, et qui n'a pas été adoptée, était moins dure que celle-ci, signée par les syndicats ! Aujourd'hui, les patrons ont obtenu de payer moins pour les licenciés, tandis que le travail temporaire continue comme avant : il ne diminue pas et continue de concerner 33 % des travailleurs en activité.

En septembre 1999, les Commissions ouvrières et l'UGT, en plein débat sur l'insuffisance des pensions pour les retraités, se mirent d'accord avec le gouvernement sur un document où ils accordaient une augmentation de misère de 3 000 pesetas (près de 120 francs), en moyenne, c'est-à-dire ne permettant même pas aux retraites d'atteindre l'équivalent du salaire minimum d'environ 40 000 pesetas (équivalent à 1 600 francs). Rien n'obligeait Aznar à tenir compte de syndicats qui n'ont pas fait pression, ni revendiqué avec force, ni tenté vraiment de négocier. Mais la signature des syndicats a permis au gouvernement de droite de présenter une vitrine sociale.

De la même façon, les Commissions ouvrières ont défendu en pratique, en ce qui concerne les conventions collectives, une politique de modération salariale, qui a diminué le pouvoir d'achat des travailleurs, cela à l'unisson de ce que souhaitaient le gouvernement et le patronat et au nom d'une prétendue lutte contre l'inflation et pour la création d'emplois. Rien n'a été obtenu en matière d'emplois, tandis qu'ils géraient avec les patrons les conditions faites aux chômeurs.

Dans le récent conflit social des chemins de fer sur la question de la convention collective, la direction des Commissions ouvrières n'a pas hésité à désarmer les cheminots, en dissolvant la commission exécutive du syndicat des cheminots, pour faciliter la signature avec la direction.

Les courants critiques au sein de la centrale réclament un tournant à gauche du syndicat. Mais les différents dirigeants de ces courants ne sont pas étrangers à l'orientation actuelle, caractérisée depuis la transition, c'est-à-dire depuis la mort de Franco, par une série de pactes avec les gouvernements successifs. D'ailleurs, Antonio Gutierrez ne s'était pas gêné pour répondre, il y a quelque temps, aux critiques du dirigeant historique Camacho, sur le cours à droite du syndicat, que lui (Gutierrez) avait appris à l'école... de Camacho !

Les travailleurs espagnols ne peuvent faire confiance à ces dirigeants syndicaux, qui ont démontré, de nombreuses fois, qu'ils sont tout à fait éloignés des intérêts et des besoins de la classe ouvrière, mais qui, en revanche, sont prêts à rendre de bons services au patronat et à ses gouvernements, comme agents d'une " paix sociale ", qui pèse de tout son poids sur les épaules des travailleurs.

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