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Bosnie : Non, les haines inter-ethniques ne sont pas une fatalité
Les résultats des élections municipales qui ont eu lieu en Bosnie le 8 avril ont été officiellement proclamés le 20. Bien sûr, dans un pays divisé en trois " entités " distinctes et hostiles, et avec les difficultés du vote de dizaines de milliers de réfugiés et de personnes déplacées, la comptabilisation des résultats d'élections municipales ne peut qu'être lente.
Il s'agit de la deuxième série d'élections en Bosnie depuis 1996-97, avant des élections générales prévues pour octobre prochain. A l'époque, les observateurs européens avaient fait le forcing pour le déroulement des élections, car l'objectif était de passer une couche de légitimité sur la partition du pays décidée à Dayton en novembre 1995, de lui apporter une sorte de caution populaire. L'alibi des élections consacrait la division de la Bosnie- Herzégovine en trois fiefs dont l'" homogénéisation " ethnique et les frontières avaient été créées par la force militaire brutale. Les partis ultra-nationalistes, le SDS de Karadzic et Mladic en République serbe de Bosnie, le HDZ frère du parti de Tudjman en " Herceg-Bosna " (croate) et le parti musulman (SDA) d'Alija Izetbegovic dans le restant de la Bosnie, en sortirent grands vainqueurs.
Cette fois encore, les partis nationalistes et séparatistes ont obtenu des majorités écrasantes en République serbe et en Herceg-Bosna, où ils en sont toujours à refuser le retour des habitants réfugiés ailleurs. Mais la petite nouveauté réside dans le fait qu'un parti social-démocrate laïc (SDP), explicitement antinationaliste, soit arrivé en tête dans 15 localités (dont l'ensemble de Sarajevo elle-même) de la zone à majorité musulmane qui fut le territoire de l'ex-Armée bosniaque, et ait emporté la majorité absolue à Tuzla (où la mairie s'était montrée antinationaliste même pendant la guerre). C'est un succès très notable pour ce parti, qui s'est opéré au détriment du parti nationaliste musulman d'Izetbegovic, et il faut souligner qu'il s'est produit dans des zones urbaines.
Certes, la misère générale, le dégoût devant la corruption et la gabegie du gouvernement en place, ont joué leur rôle, mais un certain nombre d'aspirations à une coexistence multi-ethnique se sont fait jour aussi à cette occasion : en tout cas, ces électeurs n'ont pas été rebutés cette fois par le vote pour un parti se réclamant du multi-ethnisme, malgré tout ce qui s'est passé entre 1992 et 1995, les massacres et l'excitation générale des haines.
Si minoritaires soient-ils, à l'échelle de la Bosnie, et si précaire que soit ce désaveu des politiciens et des démagogues nationalistes, c'est au moins un signe encourageant.