Le patronat et les contrats de travail : Des contrats à durée déterminée... aux contrats à précarité indéterminée14/04/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/04/une-1657.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Le patronat et les contrats de travail : Des contrats à durée déterminée... aux contrats à précarité indéterminée

Dans le cadre des discussions engagées au titre de ce qu'il appelle la " refondation sociale ", le patronat français revient à la charge sur une vieille idée que défendait déjà, en 1983, Yvon Chautard, vice-président de ce qui s'appelait encore le CNPF et pas encore le MEDEF : il faut battre en brèche le contrat de travail à durée indéterminée (CDI), voire le supprimer purement et simplement.

Pour le patronat aujourd'hui, le CDI relève d'un " mythe ", complètement dépassé parce qu'inadapté au marché de l'emploi, ou plutôt du chômage, actuel. Selon lui, même le contrat à durée déterminée, le CDD, ne correspond plus à la situation présente. Avec le travail intérimaire, ils " ne suffisent plus pour faire face aux exigences de la nouvelle économie " ou plutôt ne suffisent plus pour répondre à la volonté des patrons d'accroître toujours plus la précarité et la flexibilité du travail et donc de lever complètement ce qui reste de protection et de garantie d'un emploi stable pour les travailleurs.

Comme un pas de plus en ce sens, le MEDEF avance désormais la nécessité d'introduire dans la loi un nouveau type de contrat, un contrat de cinq ans maximum qui serait signé non pas à l'échelle d'un secteur industriel comme le sont les anciennes conventions collectives, mais à l'échelle d'une branche, ou mieux encore d'une entreprise. Seillière, le président du MEDEF, avec l'ensemble du patronat, ne manque pas d'arguments pour lancer cette nouvelle attaque contre la législation du travail telle que l'ont façonnée en grande partie les grandes luttes passées de la classe ouvrière de ce pays. Ils font appel y compris à l'action des dirigeants socialistes eux-mêmes...

Si les contrats à durée déterminée et l'intérim existent depuis longtemps, les gouvernements socialistes, qui se sont succédé à partir de 1981, n'ont rien fait pour supprimer cet état de fait. Au contraire. En juillet 1985, alors que Laurent Fabius était Premier ministre, la loi élargit le recours aux contrats à durée déterminée ainsi qu'au travail intérimaire. Avec la permanence du chômage, l'embauche de travailleurs en contrats à durée déterminée n'a cessé de se multiplier, contrats très souvent renouvelés plusieurs fois par les employeurs alors que la loi de 1990 n'autorisait qu'un seul renouvellement de 18 mois maximum et que le code du travail modifié précisait qu'un CDD " ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ". Dans les faits, ces CDD avec l'intérim et les contrats de travail à temps partiel ont été parmi les instruments aux mains du patronat pour développer la précarité, embaucher et licencier selon leurs seuls besoins, en limitant les capacités de résistance des travailleurs concernés.

Pour plaider en faveur de l'instauration de nouveaux CDD de cinq ans maximum, le patronat rappelle que dans le bâtiment et les travaux publics de tels contrats existent depuis longtemps. Mais le patronat rappelle également les contrats emplois-jeunes de cinq ans maximum justement, instaurés dans la Fonction publique par Martine Aubry, en 1996. Un bon exemple et un exemple à suivre, déclarent Seillière et consorts, non sans une certaine ironie.

Face aux ambitions des patrons, le gouvernement se fait aussi pleutre qu'il peut l'être, se gardant bien d'user de son autorité pour interdire la généralisation des contrats temporaires de travail. Au contraire, il les utilise lui-même, massivement, dans les services publics.

Pour l'instant, dans les discussions engagées dans le cadre de la refondation sociale, les organisations syndicales se déclarent hostiles aux perspectives de ces nouveaux contrats, dessinées par les patrons. C'est tant mieux. Si cela dure. Mais cela restera de toute façon nettement insuffisant pour arrêter cette nouvelle attaque qui se prépare. Si le patronat fait la guerre à l'ensemble de la classe ouvrière, il faudra bien qu'il finisse par la trouver face à lui, décidée à refuser la généralisation de la précarité, de la flexibilité, et finalement la dégradation considérable de ses conditions de travail et de vie.

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