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Leur société
Impunité pour un tortionnaire
Un capitaine de l'armée mauritanienne qui effectuait un stage militaire en France, et qui avait été arrêté pour crimes de tortures, a pu regagner son pays sans trop de difficultés.
La Mauritanie est déchirée par un terrible conflit ethnique entre le pouvoir trusté par des Arabo-Berbères et les Noirs et mulâtres majoritaires qui sont persécutés. Massacres et tortures ne sont pas rares. Les gouvernants français successifs qui pérorent à l'occasion sur la " bonne gouvernance " en Afrique, entretiennent les meilleures relations du monde avec les régimes mauritaniens, ce pays disposant d'importantes ressources minières et d'autre part ses eaux étant parmi les plus poissonneuses du monde.
Dans le cadre de ces bonnes relations des officiers mauritaniens - comme ceux de bien d'autres armées africaines - viennent accomplir des stages de formation en France. C'est un des biais par lequel la France continue de contrôler ces pays officiellement indépendants et à y veiller au maintien de l'ordre.
Ainsi le capitaine Ould Dah, en effectuant un tel stage dans un régiment d'infanterie de Montpellier. fut reconnu par deux ex-officiers mauritaniens eux aussi mais Noirs, qu'il avait auparavant torturés et qui sont aujourd'hui réfugiés politiques en France. Avec l'aide de la Ligue des Droits de l'Homme ceux-ci portèrent plainte contre l'officier tortionnaire qui fut mis en examen et arrêté en juillet 1999.
Aussitôt les autorités mauritaniennes protestèrent et cessèrent leur coopération militaire avec la France. Les autorités françaises bien ennuyées de se brouiller avec la Mauritanie pour si peu, mais affectant de respecter " l'indépendance de la justice " firent pression pour que Ould Dah soit libéré en attendant son procès. Le ministère des Affaires étrangères adressa au parquet de Montpellier une note sur l'importance des relations franco-mauritaniennes. Et celui-ci décida, contre l'avis du juge qui s'occupait de l'affaire, de mettre Ould Dah en liberté sous contrôle judiciaire, son passeport étant confisqué. Quelques mois plus tard Ould Dah avait regagné son pays où il fut accueilli avec honneur.
Le juge en est réduit à essayer de savoir de quelles complicités a bénéficié Ould Dah pour quitter la France. Ce serait en effet intéressant à savoir, mais il y a une complicité qui est évidente, c'est celle du gouvernement français
La Grande-Bretagne de Margaret Thatcher avait libéré le tortionnaire argentin Aztiz, capturé lors de la guerre des Malouines. Le gouvernement travailliste de Tony Blair a laissé filer Pinochet. Et le gouvernement Jospin favorise l'évasion de Ould Dah. De ce point de vue, tous ces dirigeants se valent. Ce qui ne les empêche pas de faire de beaux discours sur les horreurs du passé et le " devoir de mémoire ".