Brésil - Paysans sans terre : José Rainha acquitté14/04/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/04/une-1657.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Brésil - Paysans sans terre : José Rainha acquitté

Mercredi 5 avril, José Rainha, un des leaders du Mouvement des Sans-Terre (MST) brésilien, a été acquitté par le tribunal de Vitoria, capitale de l'État d'Espirito Santo. Après un premier jugement scandaleusement partial en juin 1997, qui le condamnait à 26 ans et demi de prison, le procès en appel avait été plusieurs fois reporté : en 1998 par exemple, pour ne pas interférer avec les élections présidentielles, et en décembre 1999 parce que l'accusé et les témoins de la défense n'avaient pas été convoqués !

Cela a été la joie pour les paysans sans terre et ceux qui les soutiennent, en particulier pour les milliers qui s'étaient déplacés à Vitoria. Car leurs dirigeants et organisateurs, quand ils ne sont pas liquidés par des tueurs à gages, sortent rarement libres des tribunaux. Le président de la République élu par toute la droite, Fernando Henrique Cardoso, peut bien claironner que " ceux qui prétendaient que la justice brésilienne n'est pas démocratique se trompaient ". C'est contre lui et ses soutiens que l'acquittement de Rainha a été arraché à la justice brésilienne.

Car les pressions ont été fortes pour imposer que, cette fois, le jugement soit plus équitable. Non seulement le MST, qui milite pour que la réforme agraire rentre réellement dans les faits, s'est mobilisé, mais il a réussi à faire bouger toute la gauche politique et syndicale, brésilienne et internationale. Ainsi Lula, leader du Parti des Travailleurs et candidat-président de la gauche, est venu assister au procès. Rainha a été défendu par Lins e Silva, 88 ans, doyen des avocats brésiliens et ancien ministre. Le prix Nobel de littérature portugais José Saramago a pris position pour lui.

Cette mobilisation explique que Rainha ait été déclaré innocent du meurtre d'un propriétaire foncier et de son homme de main, en 1989, lors d'une occupation de terres. Contrairement au premier procès, il a pu produire les témoins (un colonel, un député, divers élus) prouvant qu'il se trouvait alors à 2 000 km. La défense a pu montrer que les témoins à charge ne l'avaient pas vu, et que celui qui disait l'avoir reconnu ne le connaissait pas. Et cette fois la majorité des jurés n'avaient pas d'avance signé une pétition demandant sa condamnation.

Cela ne signifie évidement pas que les grands propriétaires terriens, organisés dans l'Union Démocratique Ruraliste, ont perdu le pouvoir. Outre leur pouvoir économique à la campagne, ils gardent leurs appuis politiques et dans l'appareil d'Etat, la justice en particulier. Ainsi, le procureur a qualifié Rainha de " Hitler brésilien ", demandant contre lui 60 ans de prison, car le libérer serait " une incitation à la criminalité ".

La preuve en est que les assassinats de sans-terre sont quotidiens dans tout le pays, y compris dans les États industriels du sud et du sud-est. Et les tueurs sont régulièrement acquittés par les tribunaux, comme en septembre dernier les policiers qui ont tué de sang-froid 19 paysans sans terre à Eldorado dos Carajas en 1996.

Pour donner la terre aux paysans et mettre fin au pouvoir absolu des grands propriétaires, il faudra sans doute rien moins qu'une lutte de tous les travailleurs brésiliens, pour une véritable révolution sociale.

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