Réédition : Les saisons de la nuit de Colum McCann07/04/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/04/une-1656.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

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Réédition : Les saisons de la nuit de Colum McCann

Les Editions 10/18 viennent de rééditer ce roman de Colum McCann, qui dépeint de façon particulièrement poignante la surexploitation des ouvriers, le racisme, la misère qui conduisent des hommes à la déchéance physique et morale au coeur du capitalisme le plus développé à New York.

Le livre est construit d'une façon assez originale, puisqu'il mêle, d'un chapitre à l'autre, le récit de la vie d'un ouvrier terrassier noir dans les années du début du 20e siècle et celle d'un sans domicile fixe des années quatre-vingt-dix. Le seul point commun entre ces deux êtres semble résider dans le fait que le premier a participé au creusement des tunnels du métro de New York, et que le deuxième y " habite ".

Le premier personnage, l'ouvrier noir Nathan Walker, travaille dans les équipes qui, en 1911, creusent à la pelle les galeries du métro new-yorkais, véritable travail de bagnard, hautement dangeureux. Nathan fait partie d'une sorte d'équipe de choc de terrassiers, aux côtés d'un Irlandais, d'un Sicilien et d'un Polonais. On ne parle pas la même langue mais on se comprend dans ce tunnel où les corps sont en quelques minutes recouverts de boue, où la couleur de la peau s'efface tandis que le sort commun développe un sens aigu de la solidarité ouvrière. La vie de Nathan et du couple mixte qu'il va former en épousant une Blanche, dans le New York des années trente, où le racisme est omniprésent, se déroule au fil des pages. Les générations se succèdent. À Harlem, la famille traverse le siècle dans une lente descente aux enfers des enfants et petits-enfants de Nathan, marquée par la guerre de Corée, la violence raciste, les meurtres, la drogue, la prostitution. Malgré ses efforts, Nathan, rongé de rhumatismes et presque impotent avant 50 ans, ne réussit pas à arracher les siens à la misère.

L'autre personnage central du roman est celui de Treefrog, clochard à moitié fou qui traverse un hiver glacial dans les profondeurs du même métro de New York. On découvre toute une petite colonie de miséreux, vivant comme des taupes sans presque jamais voir la lumière, subsistant grâce au ramassage des bouteilles vides, leur vie ponctuée seulement par les descentes d'une police ultra-violente et raciste. Au long du récit, les liens qui unissent l'histoire de Nathan et celle du Treefrog, ainsi que les raisons qui ont mené ce dernier à la folie, s'expliquent peu à peu, l'intrigue maintenant toujours le lecteur sur le qui-vive.

Ce roman, certes noir, dur comme la vie des ouvriers qu'il dépeint, de surcroît en butte à un racisme féroce, n'est pas désespéré. Une grande humanité émane de la plupart des personnages et l'auteur tient visiblement à souligner combien la solidarité ouvrière constitue un rempart contre l'exploitation capitaliste. Un roman qui transmet au lecteur sa haine d'un système odieux, dont il faut débarrasser l'humanité.

Pierre VANDRILLE

Les saisons de la nuit, de Colum McCann, Editions 10/18 " Domaine Etranger " - 315 pages - 47 francs.

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