Pour les patrons, ça baigne !07/04/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/04/une-1656.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Pour les patrons, ça baigne !

Depuis des mois la presse, la radio et la télévision se réjouissent de la " bonne santé de l'économie française " et de la croissance qui serait de retour. Incontestablement, comme en témoignent les pleines pages de publicité achetées aux journaux par certains grands groupes pour vanter leurs résultats de 1999, les profits des grandes entreprises continuent de grimper en flèche.

Ainsi, le nouveau géant pétrolier issu de la fusion entre TotalFina et Elf n'a pas de quoi voir l'avenir en noir, contrairement à des dizaines de milliers d'habitants des côtes bretonnes souillées, ses résultats, en hausse de 23 % par rapport à 1998, culminent à 23 milliards de francs. En conséquence son conseil d'administration a décidé de distribuer cette année un dividende par action en progression de 17,5 %. Du coup, le jour même de cette annonce, l'action TotalFina-Elf a atteint ses plus hauts niveaux. Et en moins d'un an la valeur de l'action a grimpé de 11,2 %. Les uns ont récolté des tonnes de pétrole qui engluent plages, faune et flore, pendant que d'autres, sans se faire le moindre souci, récoltent une confortable galette... d'argent celle-là. Les chiffres fournis par le groupe Aventis, né de la fusion de Rhône-Poulenc et de Hoechst, illustrent parfaitement la déclaration préliminaire de ses présidents qui affirme que la " principale priorité est d'améliorer notre profitabilité ". Pour ces dirigeants, l'année 1999 se résume à " une très bonne performance " et peu importe le sort que connaîtront les milliers de salariés de l'ex-Roussel-Uclaf à Romainville ou à Compiègne.

Le groupe Accor, n° 1 européen de l'hôtellerie et spécialiste de la restauration ferroviaire, propose à ses actionnaires un dividende en progression de 12,5 % pendant que sa filiale, la Compagnie des wagons-lits, a mis au point un plan social prévoyant la suppression de 250 emplois et, pour le personnel restant, une nouvelle organisation du travail qui alourdira encore plus le temps de service effectif. Le prétexte invoqué est que la subvention versée par la SNCF se réduit d'année en année. Il n'empêche que le chiffre d'affaires de cette filiale a progressé de 30 % en deux ans. L'argent coule à flots dans tous les secteurs : pour l'assureur AGF, l'augmentation de son résultat en 1999 est de 32,5 %. La banque CCF, qui vient d'être achetée par une banque anglaise, dégage des bénéfices sans discontinuer depuis 1987 et son action a progressé de 700 % depuis lors.

Mais si les profits ne cessent ainsi d'augmenter, c'est au prix d'un cortège ininterrompu de plans sociaux, de suppressions d'emplois qui réduisent de plus en plus la part des salaires dans les bilans. Les entreprises produisent autant sinon plus avec moins de personnel auquel elles imposent un rythme de travail de plus en plus soutenu. C'est l'angoisse du chômage ou des emplois précaires pour les uns, des cadences et la productivité à outrance pour les autres. Et contrairement aux mensonges déversés par les commentateurs et bon nombre de politiciens, la croissance actuelle, si elle engraisse une minorité de parasites qui prospèrent en dormant, ne bénéficie aucunement aux salariés auxquels le patronat souhaiterait imposer une plus grande précarité dans les contrats de travail, une plus grande souplesse en fonction des aléas de la production. La loi Aubry lui en a déjà fourni de multiples moyens avec la flexibilité et l'annualisation du temps de travail mais le patronat en veut toujours plus pour satisfaire la rapacité de ses actionnaires. Seulement, il n'est pas dit que les travailleurs acceptent encore longtemps de voir le fruit de leur exploitation exhibé avec une telle insolence sans réclamer leur dû.

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