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- Lutte ouvrière n°1656
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Editorial
Les travailleurs paient les impôts, les capitalistes en profitent
Elle est cocasse, l'affaire Laetitia Casta. Cette top-model, élue par les maires pour incarner la Marianne trônant dans leurs mairies, aurait choisi de s'installer en Angleterre pour payer moins d'impôts. Elle a démenti l'information. Vrai ? Faux ? En tout cas ce fait divers a suscité des vocations de comique troupier dans la caste politique. Aux uns qui s'indignent devant cette trahison de " l'esprit républicain ", d'autres répliquent en soutenant l'actrice qui, en se réfugiant à Londres, serait devenue le symbole de la résistance à la pression fiscale, qui frapperait en France les catégories aisées. Il en est même qui accusent le fisc d'une nouvelle vague d'émigration vers l'Angleterre, comparable à celle qui suivit la révocation de l'Edit de Nantes en 1685 ou la Révolution française.
Mais là où l'affaire est nettement moins drôle, c'est que cette campagne pour ces pauvres riches, contraints de s'exiler, sert surtout à conditionner l'opinion publique à l'idée de nouvelles réductions d'impôts pour ceux dont la fortune est autrement plus importante que celle d'une top-model ou d'un footballeur.
Les dynasties bourgeoises qui dominent l'économie, les propriétaires et gros actionnaires des grandes entreprises, des banques ou des chaînes commerciales, eux, ne songent pas à s'exiler. Leurs fortunes, nombre de leurs usines et leurs châteaux sont ici et ils ont une armada d'avocats pour trouver le moyen de ne pas payer même le dérisoire impôt sur la fortune.
Trop imposés, ces bourgeois ? Mais ce sont eux qui bénéficient des cadeaux fiscaux faits par tous les gouvernements. Ils en profitent, d'abord, au titre de leurs entreprises, source principale de revenus tirés de l'exploitation de leurs travailleurs.
En 1985, l'impôt sur les bénéfices était de 50 % des bénéfices déclarés. Aujourd'hui, seulement 39 %, sans même parler des passe-droits et des dégrèvements !
Quant à l'impôt sur le revenu, il ne cesse de diminuer pour les riches, ne serait-ce que du fait de l'abaissement de l'imposition de la tranche maximale qui était de 70 % en 1966 et qui n'est plus que de 54 % aujourd'hui.
Quand Laurent Fabius promet des réductions d'impôts sur le revenu, il insiste pour que toutes les tranches soient concernées, y compris les plus élevées.
Ce sont pourtant la TVA et la taxe sur les produits pétroliers qui rapportent le plus à l'Etat, trois fois plus que l'impôt sur le revenu et quatre fois plus que l'impôt sur les bénéfices. Or, les impôts indirects sont les plus injustes : des plus pauvres aux plus riches, tout le monde paye le même tarif. L'ouvrier qui se rend à son travail en voiture, faute de transport public adapté, paie la même taxe sur l'essence que le milliardaire qui fait une escapade à Deauville. Le Smicard ou le RMIste paient la même TVA sur des produits qu'ils consomment que les Bettencourt ou les Pinault. La prépondérance de l'impôt indirect signifie que ce sont les classes populaires qui supportent l'essentiel des impôts, alors que ce sont elles qui bénéficient le moins des largesses de l'Etat.
Jospin se glorifie de la récente baisse d'un point de la TVA dite à taux normal. Mais cela ne compense même pas la hausse de deux points imposée en 1995 par Juppé et que la gauche avait promis de supprimer dès son accession au pouvoir !
L'impôt qu'on ne fait pas payer aux riches, on le fait doublement payer aux pauvres. C'est en raison des cadeaux fiscaux au patronat et à la bourgeoisie qu'on diminue le budget des services publics, qu'on y supprime des emplois et que se dégrade l'état des hôpitaux, des écoles, des transports publics.
Quelques vedettes du cinéma ou du sport ont le choix de déménager ailleurs pour payer moins d'impôts. Pas les travailleurs. Ils n'ont pas d'autre moyen que la lutte collective pour faire cesser non seulement l'injustice fiscale dont ils sont victimes mais aussi pour contraindre le gouvernement à ce que l'imposition des profits et des revenus des riches en soit vraiment une, et qu'elle puisse financer le système hospitalier, l'Education nationale, les transports publics et mettre fin aux baisses d'effectifs de tous ces services.