Feu vert à la corruption : Les " lois du marché " ont besoin d'antigel07/04/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/04/une-1656.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Feu vert à la corruption : Les " lois du marché " ont besoin d'antigel

La société Dumez, un géant du bâtiment et travaux publics associé de la Lyonnaise des Eaux, vient de bénéficier d'un non-lieu dans une affaire de corruption au Nigeria. Avec ce jugement, les entreprises françaises pourront, sans remords, continuer à graisser la patte de ceux qui peuvent leur faciliter l'accès à certains marchés.

" Les entreprises françaises peuvent à loisir consacrer une partie de leurs dépenses à la corruption de fonctionnaires étrangers dans le cadre de leurs relations commerciales ", telle est d'ailleurs la conclusion que tire le quotidien Le Monde de ce jugement.

En effet, le PDG de Dumez-Nigeria, André Kamel, était poursuivi pour un délit bien partagé par les PDG des grandes entreprises : " abus de biens sociaux " dans une affaire de commissions occultes au Nigeria.

Il a d'ailleurs reconnu ces pratiques corruptives, mais la justice française s'en est lavé les mains en estimant que la filiale en question ayant son autonomie financière, tout cela relevait de la justice nigériane. Voilà une décision singulière au moment où l'Etat français prétend, dans différentes instances internationales, notamment à l'OCDE, " éradiquer " la corruption institutionnalisée. L'éradication est donc remise à une date ultérieure.

Il avait pourtant fallu quatre années d'investigations pour dévoiler cette corruption. A partir des recherches concernant l'affaire Boton-Noir, les enquêteurs avaient découvert quelque 400 millions de francs ayant transité, de 1990 à 1995, sur des comptes codés de Dumez-Nigeria à la banque Barclay, notamment en Suisse et à Jersey.

Les bénéficiaires de cette manne sont connus : de hauts responsables nigérians de l'industrie et de l'appareil d'Etat, dont le président lui-même et un ministre de l'Industrie et du Commerce.

Pour le PDG de Dumez-Nigera, ces sommes ne sont pas occultes et correspondent à de vraies transactions, des règlements de matériel ou des... récompenses. Pour lui, sa filiale est indépendante de la maison-mère depuis longtemps. Bien que certains experts aient contesté ce point, les juges n'ayant pu démontrer la dépendance du fait même du manque de transparence du périmètre de la société Dumez, sa filiale nigériane est donc tirée d'affaire. Et le ministre de la Justice du Nigeria peut se préparer à recevoir un bon bakchich.

Quant à l'avocat de la filiale Dumez, il a eu le mot de la fin : " Il faut faire du droit et non de la morale. [...] A aucun moment, mon client n'a bénéficié personnellement de ces fonds. Leur usage participe de pratiques commerciales largement répandues dans le monde. " Voilà qui a au moins l'avantage de la... transparence. Et la corruption a encore de beaux jours devant elle.

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