- Accueil
- Lutte ouvrière n°1656
- Côte d'Ivoire : L'abjecte campagne xénophobe de Gbagbo
Dans le monde
Côte d'Ivoire : L'abjecte campagne xénophobe de Gbagbo
Cent jours après le coup d'Etat qui a mené le général Gueï au pouvoir en Côte-d'Ivoire, les illusions que ce changement avait pu susciter dans la population commencent à tomber.
D'abord parce que, contrairement aux promesses qu'il avait faites, Gueï n'a nullement revu à la baisse le prix des produits de grande consommation tels que le carburant, le riz ou l'huile. De même, il s'est clairement prononcé contre les augmentations de salaires, montrant ainsi qu'il se place dans le camp des patrons et des privilégiés. Par ailleurs, la population n'est pas épargnée par les tueries et les exactions des soldats du rang, qu'elle avait cru pouvoir compter parmi ses alliés. Quant au climat politique, il ne cesse de s'alourdir. Les leaders des principaux partis et Gueï lui-même restent l'oeil rivé sur les élections présidentielles prévues avant la fin de l'année. Dans ce contexte, les discours xénophobes opposant les " étrangers " aux " Ivoiriens ", dont l'ex-président Konan Bédié et son parti le PDCI avaient fait leur cheval de bataille contre le principal opposant Alassane Ouattara et son parti le RDR, sont aujourd'hui largement repris par Laurent Gbagbo et les responsables du Front Populaire Ivoirien, parti censé représenter la gauche en Côte-d'Ivoire et affilié au mouvement socialiste international.
Cette campagne virulente prônant " l'ivoirité " et le mépris des étrangers, ou encore semant le doute sur les conditions d'obtention de la carte d'identité ivoirienne par certaines personnes dont le nom est à consonance étrangère, est des plus répugnantes. En s'y associant, voire en attisant cette campagne, Gbagbo cherche à opposer les populations du Nord, qualifiées d'étrangères, à celles du Sud, et au-delà à discréditer Ouattara, son principal rival dans la course à la présidence. Il laisse entendre également qu'avec ce politicien issu d'une ethnie du Nord à cheval avec le Burkina-Faso à la tête de l'Etat, le pays passerait aux mains des étrangers.
Quelques exemples des propos véhiculés par Notre Voie, le journal du FPI, illustrent cette campagne. Ainsi, dans son numéro du 4 mars, il se fait l'écho d'un discours prononcé par l'épouse de Gbagbo dans lequel elle déclare : " Il y a tellement de fraudeurs sur la carte d'identité ivoirienne qu'il faut que vous soyez vous-mêmes des contrôleurs. [ ..] Il faut faire la liste de tous ceux que vous connaissez être des étrangers et la transmettre aux autorités compétentes, notamment aux responsables du FPI. [..] il faut que les Ivoiriens sachent que leur frère, c'est celui qui est originaire d'un village situé à l'intérieur de la frontière de la Côte-d'Ivoire. Celui qui est de l'autre côté n'est pas leur frère, même s'il parle la même langue qu'eux, même s'il est de la même confession religieuse qu'eux ". Autre exemple tiré du même journal, mais daté du 8 mars : " Dans certaines régions, il a été purement et simplement demandé aux non-Ivoiriens en possession de carte d'identité ivoirienne de rester sagement chez eux s'ils ne veulent pas de problème. [ ..] On peut armer sans grand risque de se tromper que les risques d'affrontement sont grands entre les fraudeurs de la nationalité ivoirienne et les Ivoiriens ".
Ces propos xénophobes, qui ne sont pas sans rappeler ceux de " Radio Mille Collines " au Rwanda et qui préparèrent les tueries de 1994, ne peuvent qu'exacerber les tensions interethniques et faire peser de lourdes menaces sur ce pays qui ne compte pas moins d'une soixantaine d'ethnies et où plus de 30 % de la population est d'origine étrangère. D'autant que l'ethnisme a prouvé lors d'incidents récents, notamment ceux qui ont opposé des pêcheurs ou des agriculteurs de différentes ethnies, qu'il pourrait devenir à tout moment un dérivatif face à une situation économique qui se dégrade.