Dans la lignée de Cuisine et dépendances et d'Un air de famille, voici une nouvelle comédie fort réussie.

Un PDG (Jean-Pierre Bacri), qui s'amourache de théâtre... ou plutôt d'une actrice ; un garde du corps (Gérard Lanvin), blessé par la vie et qui s'est forgé une carapace d'indifférence ; un chauffeur, qui ne parvient pas à réaliser que son amie peut très bien se passer de lui ; enfin, une serveuse de bar (Agnès Jaoui), confidente attentive de tout ce petit monde ; et voilà réunis les protagonistes de cette comédie. Le personnage central, c'est ce PDG mal dégrossi. Contraint et forcé d'assister à la représentation d'une pièce de Racine (" Ah non ! En plus, c'est en vers ! "), il en ressort subjugué, non par Racine mais par l'actrice principale... Il se met à fréquenter les gens de théâtre, qui acceptent très bien de le voir régler les notes de restaurant mais ne se gênent pas pour lui faire aussi sentir combien il est ignare et manque de goût comme de culture. Dans un milieu où les compliments hypocrites côtoient les pires vacheries, il multiplie les bourdes, se fait cordialement mépriser et illustre parfaitement la morale du film.

Car il s'agit bien de montrer ici comment, au travers des préjugés sociaux, culturels, sexistes, des êtres peuvent s'étiqueter, se cataloguer, ne pas se comprendre, s'ignorer, se mépriser. Des existences sont gâchées, ici non par manque de moyens financiers, mais parce qu'elles restent prisonnières de leur milieu social et de son conformisme.

Ce film invite à franchir ces barrières invisibles entre les êtres, à dépasser les apparences pour acquérir ce " goût des autres " sans lequel la vie manque de saveur et la solitude devient un poison amer. Admirablement joué, recréant des situations très quotidiennes mais très drôles, ponctué de répliques savoureuses, il fait régner l'humour en roi et le spectateur y prend vraiment goût.