Salaires des patrons : Un train (de millions) peut en cacher un autre17/03/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/03/une-1653.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Salaires des patrons : Un train (de millions) peut en cacher un autre

Le 15 mars, le gouvernement devrait présenter un projet de loi censé établir la transparence sur les salaires des dirigeants d'entreprises. Cela explique, bien sûr, que le MEDEF (l'ex-CNPF) ait annoncé, il y a peu, avoir décidé de faire la lumière sur ce sujet. Il prenait juste les devants, sachant ce qui l'attendait.

La volonté des gros actionnaires

Mais il ne faudrait pas croire que le gouvernement Jospin ait le moins du monde forcé la main au patronat. Il n'y aurait même pas songé, tant il est à plat ventre devant le capital. En fait, la loi (si elle est votée) ne fera que s'adapter à ce qui se pratique déjà dans les milieux patronaux internationaux.

En effet, notamment dans le monde anglo-saxon, les actionnaires ont pris l'habitude d'exiger de leur personnel dirigeant qu'il publie ses revenus, afin de contrôler que ceux-ci sont bien en proportion des performances que les actionnaires-patrons exigent des " patrons "-employés. Avec l'internationalisation croissante du capital et du domaine d'activité des grosses sociétés, les entreprises françaises et leurs dirigeants auraient dû, de toute façon, s'aligner tôt ou tard sur cette norme.

Est-ce à dire que, avec le renfort de la loi, on saura bientôt tout sur ce que gagnent les patrons ? Sûrement pas. Car, si le président du MEDEF, le baron Seillière a affirmé " Nous ne biaiserons pas ", il a en même temps refusé de communiquer ce qu'il gagnait. Certes, certains de ses pairs l'ont déjà fait. Mais, si les sommes annuelles annoncées sont faramineuses (souvent l'équivalent de ce qu'un ouvrier ou un employé gagne dans toute une vie... s'il ne perd pas son emploi), elles ne concernent que leur salaire de base. C'est d'ailleurs à convaincre le gouvernement (et cela ne devrait pas lui être trop difficile) de présenter une loi laissant des zones d'ombre en ce domaine que s'emploient le MEDEF et l'Association française des entreprises privées, présidée par Pineau-Valencienne.

De multiples et juteux à-côtés

En effet, le salaire des PDG et autres dirigeants d'entreprises n'est qu'une très faible part de ce qu'ils touchent réellement. S'y ajoute, par exemple, une part variable, fonction des objectifs fixés par les actionnaires. Cela peut aller de 30 à 200 % du salaire de base. Bien sûr, il y a aussi les fameuses stock-options, des actions à prix bradé que les grosses sociétés octroient à leurs dirigeants. A côté d'un salaire annuel de 3,8 millions de francs en 1998, le PDG d'Axa, Bébéar, aurait disposé de 15,4 millions d'intéressement et de 929 715 stock-options. La revue Management estimait, en octobre, son revenu annuel à 19,5 millions (cinq fois son salaire). Mais il est probable qu'elle était encore loin du compte, car Le Nouvel Observateur, à la même époque, évaluait, lui, à 1,6 milliard ce que vaudraient ses stock-options ! Ce n'est pas tout. Il y a les jetons de présence du fait de la participation à des conseils d'administration : 500 000 F pour Bébéar. Une misère comparé au reste. Et pas grand-chose au regard de ce qu'annonce le PDG du Crédit Lyonnais, Peyrelevade, qui siège dans neuf conseils d'administration hors son groupe et a déclaré à ce seul titre un million de francs l'an dernier.

Il y a, en outre, toute une série d'avantages annexes. Bébéar voit ainsi, comme d'autres, payer sa cotisation à un fonds de pension (et cela n'a rien à voir avec la retraite de la Sécurité sociale, ni avec celle d'une caisse complémentaire). Le logement de fonction, la domesticité, la voiture, le chauffeur, le jet privé, la prise en charge des frais de scolarité pour les enfants, de la couverture médicale de la famille, les notes de frais font partie du lot.

Il est un autre aspect de leurs rémunérations sur lequel les patrons préfèrent jeter un voile pudique, en tout cas, ils ne parlent jamais de ce qu'ils touchent dans les filiales de leur groupe à l'étranger. Sans parler du fait qu'avoir des bureaux à Paris, Londres et New York, etc., permet de se domicilier (à Londres, dans le cas de Pineau-Valencienne) là où les impôts sont les moins élevés. Le gain ainsi réalisé ne risque pas d'apparaître de sitôt dans les déclarations de revenus " non biaisées " que promettaient Seillière et... Pineau-Valencienne, il y a quelques semaines.

Loi ou pas sur les revenus patronaux, pour savoir où passe tout ce que les nantis volent au monde du travail, il n'y a qu'une solution : l'abolition du secret commercial et bancaire afin que les travailleurs puissent connaître ce que gagnent sur leur dos et celui de la collectivité tous ces parasites, les actionnaires et leurs employés patronaux de haut vol.

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