Quand l'exploitation pousse au suicide17/03/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/03/une-1653.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Quand l'exploitation pousse au suicide

Après plus de trois ans de procédure et la production de pas moins de quatre-vingts témoignages, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie a reconnu une travailleuse, paralysée des suites d'une tentative de suicide, comme accidentée du travail.

Celle-ci, femme de ménage dans une école privée d'Epinal depuis vingt ans, s'était jetée par une fenêtre à la veille de la rentrée scolaire 1996. Selon les attendus du Tribunal des affaires de Sécurité sociale d'Epinal, " ce sont les conditions de travail, les brimades et la pression impitoyable qui ont conduit l'intéressée à passer à l'acte, ces faits étant intervenus le lendemain d'un alourdissement notable de ses attributions ".

C'est la deuxième fois cette année qu'un tel jugement est rendu. Le précédent, rendu à Riom le 26 février, avait concerné un employé d'une entreprise de peinture qui, pris de déprime par crainte d'un licenciement suite à des lettres d'avertissement, s'était pendu.

Dans leur jugement, les juges d'Epinal ont stigmatisé des " relations de travail d'un autre âge ". Et à juste titre.

Mais il faut quand même dire que de telles conditions de travail, faites de harcèlement, de brimades, de pressions incessantes, sont le lot quotidien de millions de travailleurs aujourd'hui. Fort de la menace permanente que constitue le chômage pour les travailleurs, le patronat ne se prive pas d'aggraver l'exploitation. Dans bien des petites entreprises, cela se traduit par un retour en arrière de plusieurs décennies, à des conditions que l'on croyait oubliées à jamais. Et dans les plus grandes, celles qui accumulent des milliards de profits, on supprime des postes et on tue littéralement ceux qui restent au travail avec des cadences exténuantes, sous les coups de gueule des chefs, pour que les bénéfices puissent monter encore d'un cran au prochain bilan.

Alors faut-il s'étonner si les travailleurs les plus fragiles finissent par craquer comme dans le cas de ces deux suicides ?

Quant au plus grand nombre, il tient le coup, bien sûr, tant bien que mal. Mais à quel prix !

Pour s'opposer à cette exploitation ignoble, bien sûr, il faut utiliser tous les moyens disponibles y compris légaux. Mais il faudra surtout en finir avec cette arrogance et cette certitude de pouvoir tout faire sans prendre de risque qui caractérisent aujourd'hui le patronat.

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