Mozambique : La responsabilité des sauveteurs d'aujourd'hui17/03/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/03/une-1653.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Mozambique : La responsabilité des sauveteurs d'aujourd'hui

Les inondations et le cyclone qui ont ravagé le centre et le sud du Mozambique, les plus fortes depuis cinquante ans, ont fait sans doute des milliers de morts. Un million de personnes ont été affectées par le désastre, et un quart de million sont abritées dans des camps de fortune. Après le déluge, ce sont les épidémies qui arrivent : en pataugeant dans une boue fétide, les victimes attrapent paludisme et choléra.

L'aide internationale s'organise lentement et parcimonieusement. L'Afrique du Sud, le grand pays industriel voisin, a fourni dès le départ... une demi-douzaine d'hélicoptères, seuls moyens de sauvetage de centaines de milliers de personnes au moment où le pays était recouvert par les eaux. Autant dire que c'était absolument dérisoire. Et dans un premier temps les autres pays, plus lointains il est vrai, ont fourni encore moins.

L'armée sud-africaine n'aurait-elle que six hélicoptères ? Et la France, dont un " département ", l'île de la Réunion, n'est pas très éloigné (2 000 km) ne dispose-t-elle pas là-bas d'hélicoptères ?

Tout ceci permet de mesurer à quel point les grandes puissances ont " laissé tomber " le Mozambique, en dépit des images d'aide alimentaire et médicale que montrent les télévisions.

Mais la responsabilité des grandes puissances va beaucoup plus loin. Le Mozambique a été d'abord l'une des premières colonies d'une nation européenne, le Portugal, dès les XVI-XVIIe siècles. Dès 1645 le trafic d'esclaves a commencé, en direction du Brésil, autre colonie portugaise à l'époque. Rien que dans la période 1800-1842, on estime que 400 000 esclaves ont été déportés vers le Brésil ! Le pays a été vidé de ses forces vives. Tout développement a été entravé.

La guerre pour la libération du Mozambique, qui a commencé en 1964, a duré jusqu'à l'indépendance, en 1975. Dix ans de guerre coloniale ont ravagé ce pays, déjà misérable. L'indépendance allait-elle enfin permettre de le relever ? Pas du tout. Le parti au pouvoir, le Frelimo, nationaliste radical, qualifié souvent à l'époque de " marxiste ", soutenait l'ANC sud-africaine qui luttait, elle, contre l'Apartheid dans son pays, en acceptant de servir de refuge à ses combattants. Mais l'Afrique du Sud, qui redoutait que l'indépendance des colonies portugaises ne fasse tache d'huile, était en guerre non déclarée avec le Frelimo.

Le Frelimo ayant procédé à quelques nationalisations, l'Afrique du Sud est alors parvenue à susciter un mouvement armé concurrent du Frelimo, le Renamo. L'Afrique du Sud a parallèlement lancé en 1981 et 1983 des raids aériens contre le Mozambique, sous prétexte de détruire des bases de l'ANC. Pour cela l'effort de l'Afrique du Sud dépassait largement les six malheureux hélicoptères d'aujourd'hui !

Ce qu'on appelle la " guerre civile " a duré au Mozambique jusqu'en 1992-1993, et s'est achevée quelque temps après que l'Apartheid eut officiellement pris fin en Afrique du Sud. Ces dix-sept ans de guerre civile ont ravagé le pays. Les massacres ont fait peut-être 900 000 tués. Sans compter les innombrables blessés et ceux qui maintenant encore sautent sur les mines antipersonnel enterrées à foison. Maintenant ces mines, dont on avait à peu près repéré les emplacements, viennent d'être déplacées par les rivières en crue, et on ne sait plus où elles se trouvent...

Les grandes puissances ont bien sûr condamné (tardivement) l'Apartheid, et même exercé quelques pressions sur l'Afrique du Sud, mais avec douceur : les affaires n'ont jamais cessé entre bourgeoisies européennes, des USA ou du Japon et celle d'Afrique du Sud. Et ces mêmes grandes puissances ont ainsi laissé s'accomplir d'abominables massacres et destructions au Mozambique.

Alors aujourd'hui le Mozambique est l'un des pays les plus misérables du monde. Son produit national brut par habitant est de l'ordre de 120-150 dollars par an, soit 2 à 2,50 francs par jour ! Evidemment ce chiffre n'a pas grand sens, mais il donne une idée du dénuement extrême de la population. Le Mozambique n'a rien, pas d'hélicoptères, et à peine de quoi manger quand les conditions climatiques sont bonnes, et par-desus le marché sa dette extérieure est énorme ! C'est pourtant un pays qui regorge de richesses potentielles, agricoles, minières et énergétiques.

Oui mais voilà, il y a bien pire que les inondations, il y a les impérialistes qui ont saigné un petit peuple sans jamais lui laisser la possibilité de s'en remettre.

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