Espagne : Le triomphe de la droite... et les responsabilités de la gauche17/03/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/03/une-1653.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Espagne : Le triomphe de la droite... et les responsabilités de la gauche

Trois faits ont marqué les élections législatives espagnoles du 12 mars : la baisse de la participation électorale, la large majorité obtenue par le parti de droite PP (Parti Populaire) dirigé par le Premier ministre sortant José Aznar, et le fort recul de la gauche, du parti socialiste PSOE comme de la coalition IU (Izquierda Unida - Gauche unie) dirigée par le PC.

L'échec du" programme commun "

Ces deux dernières forces se présentaient avec un programme commun de gouvernement pour le cas où la somme de leurs votes aurait donné la victoire à la gauche, ainsi qu'avec des candidatures communes pour l'élection du Sénat. Au Pays basque, un des autres points importants d'attention, on constate le relatif échec de l'appel à l'abstention promu par les indépendantistes d'Herri Batasuna, qui la présentaient comme le moyen de manifester la rupture des Basques d'avec l'Etat espagnol.

La participation s'est située autour de 70 % de l'électorat contre les 77 % des élections de 1996. L'augmentation de l'abstention a clairement profité au PP qui a réussi pour la première fois à rassembler, de façon massive, les votes de la droite. En revanche l'abstention a affecté lourdement l'électorat de gauche traditionnel.

Le PP obtient 44 % des voix et 182 sièges (38 % et 156 sièges en 1996) contre 34 % et 125 sièges pour le PSOE (37 % et 141 sièges en 1996). De son côté Izquierda Unida poursuit son écroulement électoral, passant de 10,54 % des voix en 1996 à 5,51 %, et de 21 sièges à 8. Pour la première fois aussi le pourcentage du PP dépasse le pourcentage total de la gauche. Cependant l'augmentation des voix du PP relativement à 1996 est seulement de 400 000 voix. Mais le PSOE, lui, perd deux millions de voix (20 % de son électorat) et IU plus d'un million (50 % de son électorat). Indépendamment de quelques transferts de voix des électeurs les plus modérés du PSOE vers le PP, ou de la conquête par le PP des voix de jeunes votant pour la première fois, il est évident que l'énorme perte de voix de la gauche correspond aux abstentions.

En tout cas, maintenant le PP a les mains libres pour gouverner, sans même avoir besoin de l'appoint des élus nationalistes catalans comme c'était le cas jusqu'à présent.

Si, avec les candidatures communes au Sénat, le PSOE et IU pensaient augmenter leur nombre d'élus au Sénat, le résultat est tout à fait contraire. Le PSOE descend de 81 sénateurs en 1996 à 62 aujourd'hui, et IU reste comme elle était, c'est-à-dire sans aucun élu, alors que le PP obtient, au Sénat aussi, la majorité absolue.

Au Pays basque, l'appel à l'abstention d'Herri Batasuna (HB) n'a pas rencontré l'écho espéré par les indépendantistes. La participation a été de 64 %, pas très loin de la moyenne nationale, et inférieure de 7 % seulement au taux de 1996, échec d'autant plus notable qu'HB avait alors recueilli 12,28 % des voix. Cela paraît refléter la réprobation d'un secteur important de la population envers les actions terroristes d'ETA, dont HB est le bras politique. Mais les principaux bénéficiaires de la polarisation pour ou contre le nationalisme que connaît le Pays basque, aggravée par les récents attentats d'ETA et la propagande nationaliste espagnole du PP, ont été la droite nationaliste du PNV (Parti Nationaliste Basque) qui a attiré une partie de l'électorat d'Herri Batasuna qui ne s'est pas abstenue, se renforçant comme première force nationaliste, et le Parti Populaire qui progresse au Pays basque, obtenant autant de députés que le PNV et presque autant de voix.

Les responsabilités de la gauche

A peine connus les résultats, les dirigeants du PSOE et d'IU affirmaient que le pacte entre leurs deux partis n'avait pas permis de mobiliser l'électorat de gauche, parlaient de démobilisation sociale et le principal candidat d'IU, Frutos, parlait d'une " consolidation conservatrice en Espagne " dont les causes profondes resteraient à analyser.

Mais la forte abstention à gauche, la désaffection qu'elle reflète de la part de larges secteurs populaires, est la conséquence directe de la politique menée en Espagne par la gauche, en particulier le PSOE. Son énorme perte de voix n'indique rien d'autre que le fort mécontentement des travailleurs envers un parti qui, quand il a été au pouvoir, a frappé durement les travailleurs et mené une politique ouvertement en faveur des patrons, à peine différente de celle que mène aujourd'hui le PP. Comment le PSOE peut-il oser parler de démobilisation sociale, de tournant conservateur dans la société, alors que c'est précisément lui qui par sa politique a ouvert la voie au Parti Populaire, lui qui pendant des années a expliqué aux travailleurs que la seule politique possible était d'accepter des sacrifices, d'augmenter les profits patronaux et de privatiser, tout cela au nom de la gauche ?

Il est clair que le pacte PSOE-IU n'a pas créé d'illusion parmi les travailleurs. Son programme plein de modération se situait dans la ligne de la politique suivie ces dernières années, respectueuse des intérêts des patrons et bien loin des intérêts réels de la population.

Pour les dirigeants d'IU ce pacte pourrait comporter la possibilité de maintenir sa participation aux institutions, à l'abri du PSOE. Mais pour nombre de ses militants, en particulier ceux du PC espagnol, et de son électorat, il est apparu pour ce qu'il était : une renonciation même à vouloir se situer, ne serait-ce qu'en paroles, à la gauche du PSOE. Pour un large secteur, appuyer IU dans ces conditions signifiait voter indirectement pour le PSOE, appuyer une politique qui se différenciait bien peu de celle de la droite. Cette politique d'IU n'est jamais que l'aboutissement d'une politique éloignée des positions de classe et de défense des intérêts collectifs de la classe ouvrière, et au contraire centrée sur le jeu électoral et l'objectif de devenir un parti de gouvernement.

Le secrétaire général du PSOE Joaquin Almunia, a présenté sa démission et les dirigeants socialistes parlent d'impulser une rénovation au sein du parti, dont il est probable qu'elle se traduira par une lutte des différents clans du PSOE pour le contrôle de celui-ci. Quant à IU, la question de la succession de son dirigeant Julio Anguita se pose maintenant, sur fond de déroute électorale, mais les premières déclarations de ses dirigeants ne mettent nullement en cause la politique suiviste à l'égard du PSOE.

Aujourd'hui comme hier, les travailleurs espagnols ne peuvent rien espérer de ces partis de gauche dont la politique a conduit à la situation actuelle et au triomphe de la droite. Ils doivent retrouver confiance en leurs propres forces et dans les méthodes de lutte de la classe ouvrière, dans les entreprises et dans la rue, pour faire reculer le patronat et son gouvernement, aujourd'hui de droite.

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