Vers une légalisation de l'euthanasie ? On ne peut faire confiance à cette société10/03/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/03/une-1652.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Vers une légalisation de l'euthanasie ? On ne peut faire confiance à cette société

Un rapport du Comité national d'éthique (organisme qui a pour mission de conseiller le gouvernement sur les questions morales liées aux progrès de la science) vient de demander un aménagement de la loi afin de légaliser, dans certaines conditions, l'euthanasie active. Pour les membres de ce comité, il s'agit d'une part de réglementer des pratiques qui existent de manière clandestine dans certains services hospitaliers, d'autre part de réviser le code pénal pouvant s'appliquer lorsque cet acte résulte d'une décision prise dans l'intérêt réel du malade. Du coup, le vieux débat entre les partisans et les adversaires de cette pratique qui permet de donner la mort à une personne atteinte d'une maladie incurable ou d'un handicap irréversible et dégradant est relancé.

Parmi les adversaires d'une légalisation même limitée de l'euthanasie, les arguments les plus divers sont avancés. Ils vont du respect de la vie tel que le conçoit la hiérarchie catholique aux craintes toutes différentes de certains médecins, notamment de ceux qui exercent dans des unités de soins palliatifs.

Il est un fait qu'aujourd'hui la médecine a les moyens de soulager la douleur et d'accompagner les malades en fin de vie. D'un autre côté, certaines familles ou certains membres du personnel soignant peuvent redouter de voir un malade ou un proche sombrer dans la déchéance, voire faire l'objet d'un acharnement thérapeutique alors qu'on le sait incurable. Il est bien compréhensible que, devant le spectacle d'un de leurs proches souffrant terriblement et sans aucun espoir, certains réclament le droit de pouvoir abréger leurs souffrances et de leur permettre de mourir dans la dignité. Et c'est pour répondre à cette demande que le comité d'éthique essaie de faire modifier la loi.

Mais comme toujours dans cette société, il est bien difficile de régler par la loi une question qui est, d'abord, une difficile question humaine. Si la loi en vient à légitimer l'euthanasie active, on peut alors redouter des dérives. Car il est plus facile de procéder avec une piqûre qui met un terme à l'existence d'un malade que d'avoir à entretenir des services hospitaliers dans lesquels 20 ou 25 % des dépenses sont générées par des personnes âgées ou non, souvent atteintes de maladies incurables et pour beaucoup d'entre elles en phase terminale.

A l'heure où il est de bon ton dans les milieux gouvernementaux et patronaux de dénoncer la croissance des dépenses de santé et le prétendu déficit chronique de la Sécurité sociale, il y a donc un risque avec " l'exception d'euthanasie " : voir des considérations d'ordre économique primer sur des considérations de santé et de respect des malades.

Il suffit pour s'en convaincre de voir comment aujourd'hui le gouvernement programme des suppressions de lits, des fermetures de service et des réductions d'effectifs dans les hôpitaux, au mépris des besoins manifestes des malades et de la population. Qui nous garantit que demain, au nom des économies budgétaires, on ne pratiquera pas l'euthanasie sur des malades mentaux ou des vieillards, pour la seule raison qu'ils coûtent trop cher au système de santé ?

Alors, face à un tel choix, on ne peut faire aucune confiance à cette société qui, dans le domaine de la santé comme dans tous les autres, raisonne avec des critères de gestion et de rentabilité économique plutôt qu'avec des critères humains.

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