Autriche : Les premiers pas de l'extrême-droite au grouvernement03/03/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/03/une-1651.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Autriche : Les premiers pas de l'extrême-droite au grouvernement

En Autriche, le dirigeant du parti d'extrême droite, Jörg Haider, vient d'annoncer qu'il quittait la présidence de son parti. Un ministre danois des Affaires étrangères a voulu y voir le fait que « l'action des pays de l'Union européenne contre lAutriche a porté ses fruits ». Le département d'Etat américain parle d'« un pas dans la bonne direction ». La réalité est tout autre. Haider entend ainsi se mettre en réserve pour se préparer à briguer ultérieurement le poste de chancelier, c'est-à-dire de Premier ministre.

Haider entend bien, dans l'avenir, être le candidat de son parti, le FPÔ (Parti de la Liberté), à la tête du gouvernement autrichien. Cette mise en réserve provisoire doit lui permettre d'éviter l'usure qui finira, tôt ou tard, par marquer les hommes de son parti actuellement à des postes de ministre. Gouverneur depuis peu de la province de Carinthie, il va s'y consacrer et s'en servir comme d'une vitrine politique et d'un tremplin personnel.

Si Haider laisse pour le moment le devant de la scène, il va aussi participer une fois par mois à une réunion du gouvernement de coalition qui réunit son parti aux conservateurs (OVP) du chancelier Wolfgang Schüssel.

Pour le moment, les ministres d'extrême droite sont en rodage. Le ministre de la Justice que le FPÖ avait fourni au nouveau gouvernement autrichien a fait long feu : il a démissionné au bout de 25 jours pour « surmenage ». Il avait défrayé la chronique quelques jours avant en déclarant qu'il tenait à avoir une Jaguar comme voiture de fonction. Le ministre des Finances, Grasser, a annoncé que des têtes allaient tomber dans le holding d'Etat qui contrôle les participations publiques dans les grandes entreprises. Déclaration aussitôt suivie d'un démenti.

Entre deux pas de clercs, les ministres d'extrême droite mènent une petite fronde contre leur propre parti. Ils ne sont pas d'accord pour reverser la différence entre les 50 000 F mensuels de leur salaire de ministre, et les 30 0010 F que le FPÔ est d'accord pour leur laisser. Cela mesure leur désintéressement.

Sur le plan politique, les ministres FPÖ sont là pour accélérer la remise en cause de la protection sociale et de ce qui peut rester d'années de gestion de la social-démocratie autrichienne: notamment les systèmes de santé et des retraites. A ce jour, ils ont annoncé des restrictions budgétaires et une augmentation de la participation des assurés sociaux aux frais de santé. Des déclarations d'intentions qui montrent, si elles ne sont pas d'une grande originalité, que ce gouvernement entend s'en prendre aux classes pauvres.

Les orientations du parti de Haider ont été résumées en vingt points. Il entend d'abord faire des économies budgétaires, notamment en réduisant le nombre des personnes employées dans la fonction publique. Mais il dépensera pour que l'Autriche reste un pays attirant pour les hommes d'affaires. En ce qui concerne les retraites, il met l'accent sur les fonds de pension et, bien sûr, il veut que l'Autriche soit fermée à l'immigration. Si la coalition gouvernementale ne reprend pas exactement toutes ces propositions, elle entend marcher dans ces directions.

Bien sûr, Haider n'est pas Hitler. Mais c'est surtout parce que la situation économique et sociale de l'Autriche n'est pas celle de l'Allemagne de 1933. Mais Haider serait prêt à jouer ce rôle s'il le fallait. Et, en attendant, le fait qu'un petit tiers des votants ait choisi de voter pour un parti xénophobe et raciste est, en soi, inquiétant. Tout comme le succès de Le Pen en France, cela représente une pression réactionnaire considérable sur toute la société.

Et si, demain, la situation économique et sociale s'aggravait, les classes dirigeantes d'Autriche trouveraient certainement dans le parti de Haider, aujourd'hui renforcé par ses succès électoraux, un auxiliaire de choix pour frapper la classe ouvrière.

Quant à l'opposition socialdémocrate et aux syndicats, l'arrivée de l'extrême droite au gouvernement leur a, pour le moment, donné un coup de fouet. Le parti socialiste essaye d'attirer dans ses rangs les jeunes qui ont manifesté contre l'extrême droite, ces derniers jours, et les dirigeants syndicaux ne se sentent plus liés au gouvernement comme ils l'avaient été pendant des dizaines d'années. La gauche réformiste se prépare donc à se refaire une santé électorale.

Il est possible, bien sûr, si la situation économique et sociale ne s'aggrave pas, que toute l'affaire aboutisse à cela. Mais si cette aggravation avait lieu, si l'on assistait à une radicalisation de l'extrême droite, ce n'est certainement pas avec des bulletins de vote que l'on pourrait empêcher un parti fasciste d'imposer sa domination à toute la société.

Face à un tel danger, la classe ouvrière autrichienne ne pourrait pas compter sur les dirigeants sociaux-démocrates. Il lui faudrait s'engager dans une lutte de classe résolue et chercher à mobiliser autour d'elle lajeunesse et toute la population pauvre, pour empêcher que la population autrichienne ne revive des pages funestes de son histoire.

Et, pour ne pas être prise de court demain, en cas d'aggravation de la situation, c'est dès maintenant qu'il lui faut se préparer à s'engager dans cette voie.

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