SNCF Paris Sud-Ouest - RER C : Rentabilité... au détriment de la sécurité25/02/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/02/une-1650.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

SNCF Paris Sud-Ouest - RER C : Rentabilité... au détriment de la sécurité

Depuis le début de l'année, sur la ligne C du RER, trois signaux d'arrêt impératif (appelés " carrés " dans le langage cheminot) ont été franchis intempestivement sur une voie principale. Un quatrième l'a été sur le chantier de Paris-Masséna, à la manoeuvre, le 14 février. Dans ce dernier cas, la chance a fait que personne ne travaillait dans la voiture corail qui a été tamponnée, qu'aucun cheminot n'était à proximité et que le conducteur était dans une locomotive diesel suffisamment solide pour le protéger du choc qui a eu lieu à 30 km / heure et a coincé la voiture corail en chandelle sous le pont du boulevard Masséna.

La cause de cet accident est à rechercher dans le caractère contradictoire de deux signaux, signalé il y a déjà plusieurs années par le cadre responsable des conducteurs de manoeuvre d'Austerlitz, sans que la direction prenne des mesures. Ce point dangereux était donc connu des plus anciens travailleurs, mais cette fois-ci, il s'est agi d'un jeune cheminot qui n'a pas plus de trois mois de conduite.

L'autre franchissement de carré s'est produit à Etampes, à un point particulier qu'un autre jeune conducteur ne connaissait pas. Ce dernier en était à son troisième jour de travail seul, depuis qu'il avait passé l'examen. Au cours de sa formation, de onze mois en tout et pour tout, il n'était jamais sorti du circuit de formation. Les voies étant en courbe, le signal qu'il aurait dû observer était invisible à cet endroit et il en a observé un autre qui ne lui était pas destiné.

A Epinay-sur-Orge, un autre incident a eu lieu sur voie principale. L'agent de conduite concerné a tout juste deux ans d'examen et concentrait son attention sur un instrument de bord indiquant la vitesse limite à ne pas dépasser, appelé le KVB (contrôle de vitesse par balise) en oubliant de tenir compte de l'indication du signal avant lequel il aurait dû s'arrêter. Dans ce cas, il faut souligner que les nouvelles formations données aux agents de conduite mettent plus l'accent sur l'observation du KVB que sur les signaux.

Dans le cas du quatrième franchissement de " carré ", il s'agit d'une mauvaise implantation du signal en gare de Juvisy-sur-Orge, signal dans lequel le reflet du soleil donne l'impression que le feu est vert. Cela a d'ailleurs été signalé maintes fois par les conducteurs, mais la direction SNCF n'a rien fait. Et depuis le 24 janvier, date à laquelle a eu lieu l'incident, rien non plus n'a été modifié. Cela n'empêche pas la direction de menacer le conducteur d'une sanction, bien que la reconstitution qui a eu lieu le lendemain démontre qu'il n'a rien à se reprocher. On comprend que ses camarades de travail se soient mobilisés, faisant signer une pétition et menaçant la direction de réagir si la procédure de sanction poursuivait son cours.

L'affaire soulève d'autant plus d'indignation qu'elle pose une nouvelle fois le problème de la sécurité des circulations à la SNCF. Les installations sont vieillottes mais, de surcroît, les formations des conducteurs se font de plus en plus au rabais.

Pour ce qui concerne les installations de signaux sur voies principales, la SNCF avait couvert presque la totalité de son réseau du système KVB à la suite de la série d'accidents meurtriers des années quatre-vingts. Cela avait eu une certaine efficacité puisque le nombre de franchissements intempestifs de signaux d'arrêt avait baissé considérablement. Pourtant, certaines portions de lignes, y compris en banlieue parisienne, ne sont toujours pas équipées de ce système, faute de financement. Et surtout, sur les voies de service, la situation n'a pratiquement jamais changé.

Le problème est aussi qu'aujourd'hui la formation des conducteurs SNCF a été raccourcie à onze mois, au lieu de quinze à dix-huit. De plus, la connaissance pratique des différentes lignes et chantiers est très inférieure, car les jeunes ne roulent plus comme aide-conducteur, poste qui a été supprimé sur l'ensemble des trains de marchandises et de messageries. A cela s'ajoute le fait que les jeunes sont formés directement pour le service banlieue, travail difficile, alors qu'auparavant, il fallait avoir au moins un an de pratique tant à la manoeuvre que sur les trains de fret avant d'effectuer ce service. Enfin, ainsi que cela avait été soulevé lors de la grève de septembre 1998 sur la ligne C du RER, la direction pratique une utilisation intensive des plus jeunes conducteurs et cela s'accompagne de bien des abus par rapport à la réglementation du travail.

La politique de rentabilité à tout prix de la direction, quitte à procéder parfois avec une légèreté certaine en matière de sécurité, n'est pas seulement imposée aux agents de conduite. Les aiguilleurs, les travailleurs sur les caténaires, à l'équipement, etc., en sont aussi victimes. À la SNCF, c'est la loi du risque calculé !

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