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Leur société
L'affaire Dumas, trois ans après...
Roland Dumas, ex-président du Conseil constitutionnel, vient d'être renvoyé devant le tribunal correctionnel de Paris pour " complicité et recel d'abus de biens sociaux ". Le feuilleton s'enrichit donc d'un nouvel épisode dans la série qui avait débuté en août 1997, l'impliquant dans de ténébreuses affaires organisées par Elf et dans une tout aussi mystérieuse " affaire des frégates " dans laquelle il aurait joué de son influence de ministre pour faire signer un contrat entre Thomson et Taïwan. Tout cela est bien opaque, mais illustre clairement les agissements de ces hommes au sommet de l'Etat.
L'aspect scabreux de l'affaire est que Dumas a été mis en cause par sa maîtresse. Mais ce n'est pas pour son rôle dans " l'affaire des frégates " que Dumas sera traîné devant le tribunal. Ce volet a été liquidé d'un trait de plume par le procureur de Paris, qui a émis un non-lieu partiel. Du coup les juges chargés de l'enquête risquaient d'être dessaisies de l'ensemble du dossier si elles évoquaient " l'affaire des frégates ". En effet, seule la Cour de justice de la République est habilitée à juger les ministres pour des délits liés à l'exercice de leurs fonctions. Les arcanes de la justice sont tortueuses à souhait mais offrent bien des issues aux politiciens et aux puissants.
Dumas est donc appelé à comparaître en correctionnelle comme simple citoyen, mais ce n'est pas sur le volet le plus important de l'affaire mais sur un de ses aspects mineurs. Il lui est reproché entre autres, de s'être fait offrir par sa maîtresse une paire de bottines d'une valeur de 11 000 F et une oeuvre d'art pour 60 000 F. Il lui est également reproché d'avoir joui de l'appartement de cette dernière ; un appartement de luxe payé 17 millions de francs, tout cela payé par le pétrolier Elf, qui ne mégote pas en matière d'arrosage.
L'avocat d'affaires Roland Dumas, dont le goût immodéré pour le luxe et l'argent n'était pas un secret pour ceux qui le fréquentaient, se retrouve donc mouillé jusqu'au cou, pollué devrait-on dire, dans l'imbroglio diplomatico-financier d'Elf-Aquitaine. Pressé par ses " amis " politiques de démissionner, il s'accroche à son poste de président du Conseil constitutionnel comme une bernique à son rocher, consentant, après avoir longtemps traîné les pieds, à demander une mise en congé de son poste, mais refuse d'en démissionner. Cela la fiche mal pour une institution dont l'intégrité des membres est censée servir de garant à la Constitution !
Du coup un débat agite la petite mare politicienne. Doit-on exiger sa démission (rien dans les textes ne l'y oblige) ou doit-on lui en laisser l'initiative et le laisser seul avec sa conscience pour en décider?
Tous ces conseilleurs raisonnent comme si ce Conseil constitutionnel était vraiment un cénacle siégeant dans des sphères éthérées, détenteur d'une sagesse infaillible destinée à trancher sur la constitutionnalité des lois, tel Zeus en son Olympe. Personne ne songe à remettre en cause cette situation quasiment de droit divin. Mais la réalité est plus prosaïque. Les neuf membres de ce conseil sont tout bonnement désignés pour neuf ans, trois par le président de la République, trois par le président de l'Assemblée nationale, et trois par le Sénat, et les anciens présidents de la République, qui y siègent de droit peuvent s'y joindre. Est-il besoin de souligner que ces désignations relèvent d'un dosage politicien et de liens d'amitié et de complicité ?
Mitterrand, expert en filouterie en tous genres, a procuré une sinécure en 1995 en désignant son vieux complice Roland Dumas quelque temps avant de mourir. Chacun dans ce conseil doit sa sinécure au choix de gens de son bord. Ils appellent cela la démocratie... Et ils voudraient qu'on les croie !